Game of Thrones – Hand of the King

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Editeur: FFG
Date de sortie: Novembre 2016
Auteurs: Bruno Cathala
Illustrateur:Mihajlo Dimitrievski
Nombre de joueurs: 2 à 4
Durée: 20 minutes environ
Age: à partir de 14 ans

 

Voilà mon dernier jeu de l’année 2016. Et quel jeu !! Un jeu sur l’univers du Trône de Fer. Moi qui suis un fan inconditionnel depuis que j’ai plongé le nez dans le premier bouquin il y a maintenant une bonne dizaine d’années en arrière, moi qui, comme bien d’autres, attend avec impatience la sortie des nouveaux épisodes des saisons de la série de HBO… je ne sais pas si ce jeu sera bien reçu par la communauté, si ce sera un succès ou s’il sera bien vite oublié. Mais ce qui est sûr, c’est que cette sortie représente pour moi une sorte de rêve éveillé !

Pour l’instant, le jeu n’est disponible qu’en langue anglaise, une VF étant prévue en principe au printemps 2017. Mais en attendant, autant commencer par raconter comment j’en suis arrivé là. Une histoire qui commence dans une très lointaine galaxie (oops.. non, ça c’est autre chose… un autre rêve..). Une histoire qui commence il y a plusieurs années !!

juin 2014.

Il y a 3 points d’entrée pour créer un nouveau jeu:

– la thématique

– la mécanique

– le matériel

Ce jour là, c’est un petite idée mécanique qui surgit dans ma tête, sans crier gare ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Une idée toute simple, pour 2 joueurs.  Une grille de 5 x 5.
5 séries de 5 jetons. Le 1er joueur prend le jeton de son choix sur le bord, et le remplace par le pion « action ».  Puis, à partir de là, chacun à son tour devra déplacer ce pion en ligne droite (pas de diagonale) en choisissant une famille de jetons. Il déplacera le pion jusqu’au dernier jeton de cette famille dans la rangée, et s’emparera de tous les jetons de cette famille ainsi survolés. Le jeu s’arrête lorsqu’il n’y a plus de mouvement possible. Et là, on regarde les majorités. Celui qui a la majorité dans le plus grand nombre de familles l’emporte.  Juste intellectuellement, la simplicité de l’idée me plait et me semble pouvoir créer des situations de choix cornéliens.  Mais même sans avoir encore joué, je vois que le système renferme un piège : dans une famille donnée, lorsque l’un des joueurs possède une majorité incontestable, aucun des deux adversaires n’a réellement d’intérêt à ramasser les derniers jetons de la famille. Et ça, ça peut conduire à avoir une tension qui diminue au fur et à mesure de la partie, alors qu’un bon jeu nécessite une tension croissante.

La solution est simple : le joueur qui ramasse le dernier jeton de chaque famille, peu importe qui possède la majorité, bénéficiera d’un effet spécial, puissant et instantané. Voilà qui va mettre de la tension !!

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Se pose alors la question de la thématique qui peut accompagner le jeu. Pour un premier prototype, j’imagine que les deux joueurs sont en fait le Ying et le Yang d’un même personnage : Dr Jekyll et Mr Hyde. Dans le laboratoire, chaque face du personnage s’empare des potions, le joueur majoritaire en fin de partie stabilisant définitivement le personnage du côté de sa propre personnalité. Et s’emparer de la dernière potion permet de la boire et d’en obtenir le bénéfice « magique »..

Je monte le proto, file à Annecy, et.. ça marche, ça marche même très très bien. Mécaniquement. Mais thématiquement, je ne suis pas satisfait. J’ai la conviction que si je veux avoir une chance d’accrocher un éditeur avec un petit jeu à deux de ce genre, il faut encore prendre son temps et creuser. De toute façon, j’ai d’autres projets en cours.. je ne suis pressé de rien. Autant laisser le temps au temps.

Et le temps passe.

De temps à autres, je ressors mon petit proto, tout simplement parce qu’on aime bien y jouer. Je réfléchis à d’autres thématiques sans que rien ne soit suffisamment convaincant. Et puis en réfléchissant à quelles familles d’objets on pourrait collecter, je m’arrête sur le mot « famille ». Et si les jetons étaient les membres d’une même famille. Des personnages, pas des objets. Et là, on tombe dans une sorte de lutte d’influence politique. Car obtenir le soutien de la majorité des membres d’une même famille te donne le soutien de cette famille. Et avoir le soutien d’une majorité de familles t’amène.. au POUVOIR ! Mouha ah ah ah !!

Des familles qui luttent pour le pouvoir… oui bon sang mais c’est bien sûr.. on pourrait le faire dans n’importe quel univers médiéval. Médiéval européen, japonais, fantastique.. mais Game of Thrones, c’est le top pour ce genre de lutte. Et en plus le pion qui se balade au milieu de tout ça, oeuvrant pour l’un puis pour l’autre, c’est… Varys bien sûr !! Tout se tient. c’est même une évidence…

Il faut dire que je suis vraiment fan de GoT !

Ma première rencontre avec GoT, c’était à Essen en 2003:  ça ne nous rajeunit pas !!

A l’époque, je n’ai jamais encore entendu parler du Trône de fer. (vous moquez pas, j’habite à Saint-Pierre en faucigny !!). Le jeu sort pour le salon, et le soir, à peine rentrés dans les appartements qu’on partageait avec les belges de Repos Prod, quelqu’un lance une partie. Il manque un joueur, je m’attable. Et là, je prends une véritable claque ludique. Et quand on m’explique que le jeu est basé sur des bouquins, je me dis que pour qu’un jeu issu d’une license soit aussi bon, il faut que les bouquins soient sacrément bons. Au passage, on notera que le jeu est de … Chris Petersen.. 😉

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Ci-dessus: Le 1er jeu, le 1er livre, la série HBO

De retour France, je me rue sur le premier livre de la saga. Et là, c’est à nouveau une claque magistrale. A l’époque, je fais partie d’une petite troupe de théâtre. Et les dialogues me semblent écrits pour être joués, sans nécessité d’adaptation. Et c’est alors au dos du livre que je me rends compte que Georges R  R Martin est scénariste pour la télé et le cinéma. Tout s’explique. En quelques nuits, je vais ainsi dévorer l’intégralité des bouquins disponibles. J’aime tout particulièrement le procédé narratif qui consiste à zapper d’un personnage à un autre, à chaque chapitre. L’histoire générale se déroulant linéairement, mais étant éclairée chapitre après chapitre avec des angles de vue différents. Et quel bonheur d’enfin retrouver tel ou tel personnage auquel on s’est attaché plusieurs chapitres plus tard. Enfin.. S’il n’est pas mort avant !

Et puis HBO est arrivé et nous a servi la série avec des images qui bougent, des comédiens tous parfaits dans leur rôle. Et là aussi je fais partie des fans, de ceux qui doivent absolument regarder les épisodes au fur et à mesure de leur sortie US. Sans téléchargement ni streaming parce que… en tant que frontalier avec la Suisse, je capte la TSR. Et que nos voisins ont une chaine publique, donc gratuite, qui retransmet les épisodes le lendemain soir de leur sortie US !!!

Et je veux faire un joli prototype..

Je suis donc plus que motivé pour faire le prototype en le basant sur cette thématique. Sauf que… Il est facile de trouver les images dont j’ai besoin en captant des images de la série. Mais je n’ai pas du tout, mais alors pas du tout envie de faire ça. En effet, le joueur que je suis n’aime pas jouer avec des images issues de séries, ou films. J’aime les illustrations. Le travail graphique d’un dessinateur, qui va ré-interpréter avec sa propre sensibilité l’univers de la license. Même sur un prototype, je ne veux pas de photos. Alors je me mets à chercher sur internet. Il ya des tas de fan-art. Réalisés avec plus ou moins de talent. Mais en fait ma quête est compliquée. Parce que j’ai besoin de 25 personnages différents, en 5 familles, plus Varys. Et j’ai envie d’un univers totalement cohérent. Bref, c’est un peu la quête du Graal.

Et puis je tombe sur ça !!!

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Ci-dessus: Jon Snow, Jaqen H’ghar et Hodor « hold the door » (oui,je spoile)

J’adore le style graphique. L’expression des personnages : ça va donner une putain d’identité graphique au prototype (ce qui est à double tranchant, mais comme je doute de pouvoir obtenir la license GoT, j’ai déjà envie de me faire plaisir avant tout).

Et surtout… oui surtout.. le gars qui a fait ça a illustré, pour lui-même, plus de 200 personnages de l’univers Game of Thrones !! Il y a donc toute la matière dont j’ai besoin. Comme j’ai bien peur que tout cela ne reste pas très longtemps sur la toile, je m’empresse de récupérer l’ensemble des images dont j’ai besoin pour le prototype.

Au passage, j’en profite pour faire quelques modifications.:

1- Je vais déséquilibrer la répartition des familles. Elles n’auront pas toutes le même nombre de membres. Au lieu d’avoir 5 familles de 5 personnages, il y aura toujours 5 familles, mais respectivement avec 3-4-5-6-7 personnages. L’intérêt de cette modification, c’est que, d’une part ça met une tension encore plus rapide pour l’obtention des effets liés au dernier personnage d’une famille, et en plus ça fait des majorités plus rapides à obtenir que d’autres.

2- Pour régler les égalités, très simple.. Chaque famille possède sa bannière. Et les bannières vont aller, au fur et à mesure du jeu, d’un joueur à l’autre en fonction des personnages récupérés. Et il suffit de revenir à égalité au nombre de personnages dans une famille pour récupérer la bannière.. encore plus de tension !!

3- Enfin, avec une saga aussi riche que GoT, on ne va pas se limiter à des effets liés à chaque famille. Je vais créer toute une famille de personnages secondaires: les companions. Quand un joueur récupère le dernier personnage d’une famille, il va choisir un companion parmi ceux disponibles pour cette partie… plus de compagnons, plus d’effets différents, plus de rejouabilité !!

Et tout ça nous donne un prototype qui ressemble à ça:

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Les parties test s’enchainent et là, je suis vraiment content de ce petit jeu. Oui, c’est très « mécanique », mais pour le coup thématiquement c’est super cohérent. Et puis on s’attache aux personnages, particulièrement les personnages secondaires, avec leurs effets puissants qui colorent différemment chaque partie.

Il va donc être temps de tenter le coup auprès d’un éditeur…

Et pour le coup, un éditeur, il ne peut y en avoir qu’un, sur cette license, et c’est forcément FFG, qui possède des droits pour GoT. Et c’est ainsi qu’après quelques échanges de mails, teintés d’un intérêt poli, j’obtiens un rendez-vous avec .. Chris Petersen, à la Gencon 2015.

Oui, le Chris Petersen du jeu de plateau qui m’avait enflammé en 2003. Ce Chris Petersen qui est  le patron de FFG. A la Gencon, les choses ne se passent pas comme j’aimerais. Le rendez-vous est repoussé une première fois, une deuxième fois, une troisième fois. Il faut dire qu’on est en plein dans les réorganisations liées à l’intégration de FFG dans Asmodee, et que mon interlocuteur a bien d’autres préoccupations. Il n’empêche que, enfin, le dernier jour, il vient me voir. Il n’a que 5 minutes, me dit-il.  Et là, la méga-chance. Au moment où je sors ma petit boite prototype et que je commence installer le matériel, Croc passe par là et lui dit: « Ah j’y ai joué et j’ai bcp aimé, tu devrais regarder de prêt » !!! (Croc… MERCI !! )

Du coup, il me dit.. « allez, on fait une partie ». Et on joue. Et il me dit:

 » ah oui.. en fait.. c’est vraiment cool. Je suis intéressé mais.. uniquement si tu peux le retravailler pour en faire un 2-4 joueurs. Et puis.. j’aime beaucoup les illustrations.. Est ce que tu verrais un inconvénient si on travaillait exactement avec ce illustrations là ? »

je lui réponds que, au contraire, je serai ravi que ça soit fait exactement de cette façon !

et il me répond:

« Alors trouve moi les coordonnées de l’illustrateur. S’il est raisonnable financièrement ça pourrait se faire.. Sous réserve que Georges soit d’accord. Je l’appelle en rentrant !! » … et les gars !! j’étais à une personne de Georges Martin ce jour-là !!!! 😉

Donc, retour de la Gencon avec plein d’espoir.. et plein de boulot.

Parce que ce jeu, conçu pour deux joueurs, il faut réussir à l’étendre à 4 joueurs.

Pour plus de joueurs, il n’y a pas 50 solutions, il faut déjà plus de personnages. On va donc passer sur une grille de 6×6, et avec 7 familles, de respectivement 2-3-4-5-6-7-8 personnages. Si on ajoute Varys, qui, du coup, se retrouvera sur le plateau dès le début de partie, ça nous donne bien les 36 personnages nécessaires.

A 3 ou 4 joueurs, il y aura nécessairement plus d’égalités sur le nombre de bannières possédées en fin de partie. Du coup, le tie breaker évident sera de posséder des bannières issues des familles les plus nombreuses.

Et puis à 4 joueurs, j’introduis une variante jeu en équipe. A deux contre deux. Mais même entre partenaires, on n’a pas le droit de se parler… enfin… sauf si on joue un jeton « Corneille à 3 yeux », qui permet de s’isoler pendant une minute pour discuter de la stratégie et des choix à faire.

Quelques semaines de test pour caler l’ensemble des modifications. Et il est déjà temps d’aller à Essen 2015, pour présenter le résultat à Chris Petersen. Il repart avec le prototype up to date et juste avant Noel, je recevrais une proposition de contrat. Un joli cadeau de Noel, pour sûr !!!

Voilà…

Vous connaissez maintenant toute l’histoire.

Comme George Martin a dit « oui », l’illustrateur est bien celui dont j’avais récupéré les illustrations sur le net. Il est macédonien, très très talentueux.. et pas un nouveau venu dans le monde du jeu. Il s’appelle Mihajlo Dimitrievski, et a , entre autres, illustré « Raiders of the North Sea ».

J’ajoute ici quelques images du jeu tel qu’il vient d’être publié:

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version française ?

Et bien.. Ouiiiiiiiii   !!

LA traduction est en cours. On m’a parlé d’une sortie dans la première partie de l’année 2017. Inutile de dire à quel point je me réjouis !