2023-2026
De 2015 et 2022, j’avais pris l’habitude, en fin d’année, de publier un petit bilan de mon année ludique encore toute chaude, et de dire quelques mots des projets à venir. Sous une forme écrite et publiée sur Tric Trac entre 2015 et 2021, et en direct sous les caméras de « Un Monde de Jeux », en 2022.
Et puis, l’an dernier, j’ai… passé mon tour.
2023 – Une année à oublier
J’ai passé mon tour parce que l’année 2023 a commencé avec la disparition de Serge Laget. Quelqu’un qui comptait énormément pour moi. Le grand frère que j’aurai rêvé d’avoir. Avec qui j’avais plusieurs projets passion en cours. Dont une version 2.0 des Chevaliers de la Table Ronde.
On a tous perdus des proches, famille, amis, ma peine n’a pas été plus puissante que celle que n’importe qui d’autre peut ressentir en de telles circonstances. Mais le grand vide qu’elle a créé en moi a animé, ou ré-animé plein de questionnements. Sur mon rapport à la création. Sur un sentiment de décalage avec le milieu ludique. Sur le temps qui passe. Sur le temps consacré à mes proches.
Et comme, dans le même temps, j’ai traversé une phase de refus successifs de plusieurs projets qui me tenaient à coeur, je me suis retrouvé avec conjointement, une effritement sérieux de mon envie, de mon énergie créatrice, et le sentiment que j’arrivais en bout de course et qu’on n’avait plus envie de moi éditorialement.
Alors pendant plusieurs mois, j’ai vraiment très sérieusement pensé à tout arrêter.
Terminer les projets en cours déjà signés et sur le point de sortir, bien sûr.
Mais ne pas m’engager sur de nouveaux projets.
Et partir, tranquillement, discrètement, sur la pointe des pieds, sans amertume.
Après tout, j’allais avoir 60 ans, un âge où, il y a peu, on prenait sa retraite.
Et si ce temps était venu…
Et puis les mois ont passé. Et à L’automne, plutôt que de me rendre à une 22eme salon d’Essen consécutif, j’ai décidé d’accepter une sympathique invitation pour « Le Delirium Ludique », un événement ludique se déroulant au Québec. Plusieurs centaines de joueurs, réunis dans un même lieu le temps d’un week-end.
J’ai reçu là-bas un accueil incroyable, plein de sourires, de chaleur, d’amitié, de simplicité, que ce soit par l’équipe d’ILO, qui distribue nombre de mes jeux (merci France et Marc), par tous ceux qui sont venus aux séances de dédicaces dans les magasins autour de Montréal, et par toute l’équipe et les participants du Delirium ludique.
Ce séjour m’a fait un bien fou. Chaque discussion, chaque partage, chaque partie jouée, que ce soit sur un proto où un jeu existant, m’a reboostée, m’a permis de redonner du sens à mon activité. Je dis souvent que le jeu, c’est avant tout un prétexte à du lien social. C’est bien entendu vrai pour les parties jouées en famille ou entre amis. Mais là, j’ai eu la démonstration que c’était également vrai au niveau du parcours de création.
Je suis rentré plein d’énergie. En reprenant conscience de ce que je savais bien au fond de moi, mais que ce début d’année avait un peu éteint: créer est pour moi une nécessité, un besoin, une pulsion. C’est une partie indissociable de ce que je suis. Et donc, non, il est hors de question d’arrêter.
Et c’est à ce moment là précis que j’ai enfin pu reprendre les projets communs que j’avais avec Serge.
Et ça aussi ça m’a fait un bien fou.
2023 – 2024 dans le rétro !
En 2021, j’avais « conscientisé » quelques ordres de grandeur, qui sont pour moi des seuils psychologiques, sur la durée de vie totale d’un jeu :
– Niveau OUF ! 10 000 boites vendues. C’est pour moi le soulagement. C’est la quantité « minimale » à partir de laquelle j’estime que je suis à l’équilibre, entre énergie investie et satisfaction au niveau du partage avec les joueurs. Si les ventes n’atteignent pas ce niveau, j’ai les boules parce que je me dis que j’ai emmené l’éditeur qui m’accompagne sur une galère.
– Niveau YES !! 50 000 boites vendues: là, c’est une satisfaction. Vraiment. quand on atteint ces niveaux de vente, il s’est déjà passé quelque chose. C’est à partir de ce niveau que j’estime que j’ai bien fait mon job et que mes idées valaient le coup. Et mon éditeur aura sûrement envie de poursuivre sa route avec moi. C’est important parce que j’aime les collaborations dans la durée.
Niveau YOUHOUUUUU !!! 100 000 boites vendues et + : là, c’est la fierté. Même si on sait tous que quantité n’est pas nécessairement synonyme de qualité, ça signifie que le jeu est vraiment sorti du rang. Il peut probablement s’installer en mode « long sellers », avec un fond de roulement de 10-20 000 boites par an. Pour un auteur c’est tellement chouette et important d’avoir des jeux qui s’installent vraiment. et, avec un peu de chance, s’il poursuit sa route, devenir un classique. La quête du graal en quelque sorte.
Lorsque je regarde dans le rétroviseur les deux années passées, je vois un échec, des « c’est cool », et de belles satisfactions.
L’échec, c’est Lumen. Un jeu qui n’atteindra pas mon premier palier. Et ça me rend triste.
Triste, parce que je reste super content, fier, même, de ce système original de jeu d’affrontement drivé par un Roll & Write
Triste, parce que je continue à aimer vraiment y jouer.
Triste, parce que le travail éditorial de Lumberjack et la mise en images de Vincent Dutrait sont au top.
Mais il faut bien se rendre à l’évidence: Lumen n’a pas réussi à convaincre suffisamment. Ce jeu a de vrais aficionados. Mais ils n’ont pas été assez nombreux pour que le jeu s’installe, ne serait-ce qu’un petit peu.
Cela démontre au moins deux choses:
> Non, tous les jeux avec du « Cathala » dedans ne sont pas promis au succès
> L’originalité des mécanismes d’un jeu ne sont ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour attirer l’attention et conduire au succès
Et tous les autres sont à ranger au rayon des satisfactions !!
En ce qui concerne Vélonimo, j’étais déjà aux anges avec le succès de la version de base. Mais là, ce qui m’a donne un énorme sourire, c’est d’avoir un jeu estampillé officiellement « Tour de France ». Je suis cycliste amateur (mauvais, mais j’aime ça), fan de cette épreuve depuis mon enfance, alors je ne vais pas bouder mon plaisir !
Moonriver, c’est une variation autour du « Kingdomino game system », dans laquelle chacun fabrique ses propres dominos. Presque un « kingdomino Legacy ». Pour le jeu « physique », l’accueil a été chouette, à la hauteur de mes espérances. Je suis beaucoup plus dubitatif sur l’adaptation numérique qui en a été faite sur BGA. Je la trouve peu intuitive, au point que même moi qui connait le jeu par coeur, je galère pour y jouer. On n’aura jamais de chiffres sur ce sujet, mais je suis persuadé que ce portage aura été contre-productif pour le jeu. Je doute beaucoup que ceux qui ont découvert le jeu au travers de ce portage numérique aient eu une expérience de jeu suffisamment attractive pour que cela conduise à déclencher un acte d’achat du jeu physique.
Là aussi ça permet d’en tirer quelques enseignements:
> Tous les jeux ne se prêtent pas à un portage numérique
> pour qu’un jeu ait une chance au travers d’un portage numérique, il est impératif que l’interface soit vraiment « user friendly »
Abyss De Profundis vient tout juste de sortir. Il ne s’agit « que » d’un petit booster de 10 cartes destiné à rajouter un peu de piment dans vos parties d’Abyss.
Au moment où j’écris ces lignes, je n’ai aucune idée de comment ce booster se vend, ni de de comment il est reçu par les joueurs. Mais c’est pour moi déjà une satisfaction. Parce que je ne peux être que très heureux qu’un éditeur soit encore motivé pour donner du corps à un jeu de base sorti il y a 10 ans.
Dans notre petit monde ludique où une nouveauté chasse l’autre, travailler avec des personnes qui ont ce goût du travail dans la durée, ça fait un bien fou. Merci Bombyx !!
Donuts, c’est l’histoire d’un pari réussi: habiller un pur jeu abstrait (INSERT) avec une pseudo thématique colorée, « sucrée », afin de tenter de l’ouvrir à un public plus large.
Je dois bien avouer que lorsque Funforge m’a proposé ce pari, j’ai été un peu dubitatif. Cela faisait des années que je portais INSERT en tant que prototype, et j’en avais une vision beaucoup plus « classique ».
Bref, j’ai été moi aussi sous le coup de cette fameuse résistance au changement. Mais je me suis laissé convaincre. De toute façon, installer un jeu abstrait, je savais que ce ne serait pas simple, alors pourquoi ne pas tenter l’expérience.
Le palier OUF ! A été largement dépassé. Et on se dirige tranquillement vers le YES !! Cet habillage aura très probablement fait fuir quelques joueurs considérant ce choix comme une hérésie. Mais il en aura fédéré beaucoup plus. Bien joué, Funforge !
Extra Salt, c’est juste un peu plus d’une dizaine de cartes pour varier les plaisirs lors de vos parties de Sea Salt and Paper.
Une extension au prix tout riquiqui qui me permet de revenir sur le succès tout simplement incroyable de SSP. Jugez du peu:
> on est en train d’atteindre les 500 000 botes pour le jeu physique (un palier YES puissance 5)
> on a dépassé les 2 000 000 de parties jouées online sur BGA
C’est simple: SSP est aujourd’hui sur le podium de mes meilleures ventes derrière 7 Wonders duel en numéro 1 et Kingdomino en numéro 2 (tous deux autour de 2 millions de boites). Un jeu addictif, on vous dit !!
Et pourtant, au départ, ce jeu possède quelques caractéristiques qui auraient pu drôlement freiner son essor:
- Si le jeu est fluide et hyper simple une fois qu’on le connait, l’expliquer à de nouveaux joueurs n’est pas si facile
- Tout particulièrement le scoring, avec cette notion de dernière chance et de bonus couleur est un vrais casse-tête à faire comprendre
Au cours du développement, avec Théo, on avait totalement conscience de cet écueil potentiel. Alors, avant même de présenter le jeu au moindre éditeur, on a testé, encore et encore, plein de systèmes de jeu / scoring plus simples. Pour tenter d’aller vers la prise en main la plus évidente.
Mais à chaque nouvelle formule, le constat était le même: oui, le nouveau système de score fonctionnait parfaitement, ouyi la prise en main et les explications devenaient bcp plus faciles / fluides, mais… au prix d’une perte nette d’envie de jouer encore et encore.
Alors on a choisi d’assumer cette petite complexité initiale. Pour conserver le côté addictif. Et on a drôlement bien fait. On remercie Bombyx de nous avoir fait confiance sur cette prise de risque !
Ce qui montre bien que vouloir simplifier à l’outrance les systèmes de jeu, c’est certes souvent utile, mais c’est aussi parfois courir le risque d’avoir des produits au final faciles à prendre en main, mais sans grande saveur. Des fast-games en quelque sorte. Vite appris, vite joués, mais qui ne te remplissent pas l’estomac ludique très longtemps.
Solstis: une petite boite, un « petit » jeu à deux, construit sur la mécanique de capture de tuiles d’un jeu traditionnel japonais: le « koi-koi »
Un prix riquiqui, un matériel très chouette et des illustrations apaisantes de Gorobei, le tout proposant une expérience de jeu dans une atmosphère très zen
Et des parties qui s’enchaînent, s’enchaînent encore et encore.
Si je présente ce jeu à la suite de SSP, ce n’est pas un hasard. Le coté addictif de ces deux petites boites me semble assez similaire.
La preuve en est par l’accueil du public:
- Pour les boites « physiques », malgré plusieurs ruptures de stock, on est tout proches du palier YESS !!! En quelques mois seulement
- Et la version BGA affiche fièrement pas loin de 500 000 parties jouées !
Ajoutons à cela que SOLSTIS a remporté le prix du « Meilleur Jeu à 2 » lors des Board Game Awards 2024 par « Les joueurs du dimanche »
Plein de petits signes qui laissent espérer que Solstis prenne le même chemin que SSP !
Duel pour la Terre du Milieu: Un jeu avec un double licence:
- La licence ludique de 7 Wonders Duel (la mécanique de base est très proche)
- La license du Seigneur des Anneaux
Forcément, c’est une grande chance d’être sollicité sur un projet de cette ampleur. Un privilège, même.
Beaucoup nous disaient que ce serait un succès garanti. Et pourtant, au fond de moi je n’étais pas vraiment serein.
Bien sûr je savais le boulot qu’on avait fait avec Antoine. Pour, justement, ne pas se contenter d’un simple copier-coller entre les deux jeux. Simplement en modifiant les images des cartes pour « coller » à la thématique.
Je savais toutes les évolutions mécaniques, les simplifications de règles, nécessaires à la fois pour coller à l’univers et aussi pour que les joueurs soient concentrés sur l’objectif plus que sur la technicité de la règle.
Je savais à quel point le joueur que je suis préférait infiniment jouer à cette nouvelle version. Pas parce que c’était la dernière, mais parce que l’expérience de jeu était vraiment différente, parce que l’histoire qui se construisait dans ma tête, à chaque partie, était forte, vivante, racontable. Et pas simplement un calcul d’optimisation de points de victoire. (il n’est pas nécessaire d’avoir des tartines de texte à lire pour qu’un jeu soit « narratif » )
Mais je savais aussi qu’on serait regardés à la loupe. Qu’on ne nous pardonnerait rien. Et que dans cet univers de surabondance ludique, il pouvait suffire de quelques premiers avis d’influenceurs de type « mouais, tout ça pour ça », ou encore « on veut faire marcher la pompe à fric », ou même « oui, je ne peux pas dire que c’est mal, mais est-ce qu’on en a vraiment besoin » pour embarquer derrière eux l’opinion générale, et mettre du plomb dans l’aile à ce chouette projet.
Heureusement, il n’en a rien été. Il y a eu quelques avis du type de ceux crains plus haut, mais les joueurs ont réservé un bon accueil à notre jeu. Très bon même. Je n’ai pas de chiffres de vente au moment où j’écris cet article, mais le jeu apparait dans le top des ventes de bon nombre de boutiques. Et avec une note de 8.5 sur 10 il est d’ores et déjà placé très haut dans le ranking du BGG. Il devrait probablement rentrer dans le top 100 des meilleurs jeux de tous les temps.
Aujourd’hui je respire un peu mieux, tellement j’avais peur que l’on déçoive sur ce projet.
Et j’attends avec impatience les relevés des mois à venir. Pour savoir quel impact cela aura sur les ventes de 7 Wonders Duel.
L’un remplaçant l’autre, momentanément, durablement ? Iu l’un boostant l’autre ? wait and see…
Et puis en 2024, j’ai eu le privilège de me voir remettre une « patate d’or ». Un prix, certes honorifique, mais qui m’a profondément touché. D’autant plus qu’il a permis de revenir sur la carrière de Serge Laget, à qui une patate d’or était remise en même temps. Un moment intense et émouvant. Merci à Philippe Mouret pour ce choix, et à Martin Vidberg pour l’invitation et l’émission spéciale.
Quelques réflexions générales
Portages numériques
Depuis quelques années, on assiste à un essor des portages numériques de nos jeux préférés. Avec une plateforme leader sur le sujet: Board Game Arena (BGA pour les intimes). L’intérêt de ces portages est multiple:
- Dans un moment où il y a foisonnement de nouveautés chaque semaine, proposer une version numérique un peu en amont de la sortie du jeu physique est un moyen de communication et de marketing. L’occasion pour les joueurs d’essayer le jeu, de savoir s’il est fait pour eux. Une façon de tenter de booster les chances du jeu lors de sa sortie physique, avec des premiers acheteurs convaincus d’avance puisqu’ils connaissent déjà le jeu, et donc vont en véhiculer une image positive.
- C’est un moyen aussi, sur la durée, de tenter de fédérer une communauté autour d’un jeu après sa sortie. Le portage numérique permet aux joueurs isolés de pratiquer leurs jeux préférés encore et encore, chaque jour. Avec comme « effet de bord », que lorsque des invités viennent à la maison, forcément, ils vont sortir un jeu avec lequel ils sont particulièrement à l’aise. Donc, souvent celui qu’ils pratiquent tous les jours en numérique. Ce qui permet de perpétuer la chaine de contamination nécessaire à ce qu’un jeu ne sorte pas trop vite des étals des magasins.
- Et puis, il n’y a pas à s’en cacher, pour les jeux qui tirent leur épingle du jeu sur ces plateformes numériques, c’est aussi potentiellement une source de revenus complémentaires pour les éditeurs et les auteurs. En ce qui me concerne c’est de l’ordre de +10% sur les royautés des jeux en question.
Aborder ce sujet me donne l’occasion de regarder un peu dans le rétro concernant mes jeux.
17 d’entre eux sont portés sur BGA
Je vous propose deux graphiques:
- Le nombre moyen de parties par jour depuis leur mise en ligne
- La durée moyenne entre deux lancement de parties (pareil, depuis leur mise en ligne)
Parmi ces 17 jeux, seuls 8 d’entre eux ont trouvé, à mes yeux, un public suffisant.
> Pour 5 d’entre eux seulement, on attend moins d’une minute si on se connecte pour trouver un adversaire en live
Cette valeur (moins d’une minute) me semble un critère crucial pour la pérénité d’un jeu numérisé, si tu veux le pratiquer en temps réel
> Pour les 3 suivant, le temps d’attente est inférieur à 5 minutes, ce qui reste à la limité de l’acceptable pour une pratique en temps réel, et ne pose pas de problème s’il s’agit d’un jeu que tu souhaites/ peux jouer en tour par tour (c’est le cas de Donuts, par exemple. Sur des jeux à information totale et uniquement positionnels, tu peux t’éclater en jouant au tour par tour)
Mon expérience sur ces portages m’amène aux réflexions suivantes:
- Pour qu’un portage numérique trouve son public, il est important, crucial même, qu’il puisse se jouer de façon intéressante à deux joueurs seulement
(je n’ai pas les chiffres exacts, mais je pense que plus de la moitié des parties jouées sur BGA sont à deux joueurs seulement, quelque soit le jeu) - Pour qu’un portage numérique ait une vraie chance, il est impératif que son interface soit vraiment la plus facile d’accès. Tous les jeux ne se prêtent pas au portage, ce qui peut se révéler contre productif (voir remarque plus haut / Moonriver)
- Au bout d’un certain temps, si le nombre de joueurs quotidien n’est pas suffisant, je pense qu’il serait plus utile / logique, de retirer le jeu de la plateforme. Dans nos contrats on a un seuil de mévente permettant de récupérer les droits de son jeu. Il me semble important de penser maintenant à inclure un seuil également pour les portages numériques. Bref, faut que je contacte mes éditeurs pour retirer de BGA les jeux allant de Mr Jack à Lumen dans le graphique ci-dessus. Inutile de mobiliser de la bande passante pour… rien.
Réflexions globales sur l ‘évolution du marché
Long Sellers
Année après année, lorsque je regarde ainsi dans le rétroviseur, j’aime bien analyser les chiffres à ma disposition, pour tenter de voir des tendances, pour essayer de comprendre les évolutions qui m’échappent au quotidien, quand j’ai la tête dans le guidon.
De mes 15 premières années d’auteur, j’avais le feeling qu’il y avait 3 types de jeux:
- Les hits absolus (genre Catane, Carcassonne etc…): des incontournables, qui se vendent encore et encore
- Les « long sellers »: c’est à dire des jeux qui sont des vraies références dans leur catégories, qu’une boutique se doit d’avoir en rayon, qui se vendent régulièrement mais pas du tout au niveau des hits absolus
- Les nouveautés, qui arrivent avec cet espoir de rejoindre l’une des catégories ci-dessus. Beaucoup d’appelés, peu d’élus.
J’ai eu la chance d’avoir pas mal de mes jeux qui ont intégré la catégorie des longs sellers. C’est le cas, pas exemple, des MOW, Mr Jack, Noé, Jamaica, Abyss, Five Tribes, pour ne citer qu’eux. Des jeux, qui, chacun, année après année, faisaient leurs 10 000 / 20 000 boites vendues, parfois un peu plus. Un « fond de roulement » précieux pour un auteur, puisqu’il lui permet, même sans méga-hit, de pérenniser son activité et de continuer à avancer avec un minimum de sérénité.
Et puis ces deux dernières années, les ventes de ces longs-sellers se sont spectaculairement tassées. Si ça avait été une lente érosion, je me serai dit que ces jeux, peu à peu, appartenaient au passé. Mais quand tu es face à une sorte de rupture brutale, ça interroge. En ce qui concerne Mr Jack, c’est même allé jusqu’à recevoir un relevé semestriel avec …. 0 ventes.. que ce soit pour le Jack London et même le pocket. Je n’en suis toujours pas revenu. Hurrican n’est plus vraiment présent sur le marché depuis quelques années déjà, et ça n’a pas du aider beaucoup, c’est clair. Là où la volonté d’un Bombyx de continuer à travailler pour promouvoir l’univers d’abyss permet quand même de rester à flots. Mais au delà de l’implication de chacun je me demande si ce tassement n’est pas un effet de bord de l’abondance de nouveautés de ces dernières années.
Je m’explique.
La place sur les étals de nos ludicaires préférés n’est pas infinie.
Comme il y a de plus en plus de nouveautés, comme les commerciaux des différents distributeurs font bien leur taff il faut trouver de la place pour rayonner ces nouveautés.
Si chacune de ces nouveautés permet de faire, chaque mois, autant de vente qu’un de ces fameux long-sellers…. La tentation est claire: autant mettre ici des nouveautés. Soit elles s’installent un peu et on les laissera en rayon, soit elles sont aussi vite oubliées qu’elles sont arrivées, et elles seront chassées par une autre nouveauté. Dans le laps de temps où elles auront été en rayon, elles auront néanmoins généré un chiffre d’affaire équivalent…
Bien sûr ceci n’est qu’un feeling. Mais ce qui est clair, c’est que l’érosion des long-sellers condamne un peu plus encore les auteurs qui veulent pérenniser leur activité à, soit avoir la chance d’avoir un hit absolu, soit à foncer tête baissée dans la course à la nouveauté, en faisant encore plus de jeux, et en contribuant encore plus à la mécanique décrite ci-dessus.
Zapping ludique
Un autre sujet qui m’a interpellé, ce dernières années, c’est l’extrême difficulté pour des jeux initiés de 30 euros et plus , de pouvoir s’installer.
Dans ma ludographie, cela a été vrai pour des jeux comme, par exemple, Ishtar, ou encore Orichalque.
Des jeux faciles d’accès, avec un super chouette travail éditorial, et qui, à leur sortie, ont connu un véritable bon accueil.
Les avis étaient réellement enthousiastes et puis… quelques mois sur les étals et puis s’en vont.
Mon fameux palier OUF a été atteint assez vite, dépassé même. En direction vers le YES !! Et puis… ça s’est arrêté aussi vite que ça avait bien démarré.
J’en ai discuté avec d’autres auteurs, qui ont eux aussi fait ce constat sur certains de leurs jeux.
J’ai donc tenté de comprendre et… je me demande si… il n’y a pas un effet de bord lié à ce que Matthieu D’Epenoux nommait « la contamination virale »
A savoir: un jeu n’a de chance de survie que si une chaine de contamination virale se met en place. Les primo-acheteurs contaminant leurs amis, qui eux même contamines, d’autres personnes et ainsi de suite. En gros, pour qu’un jeu se diffuse beaucoup, il faut qu’il se comporte comme une sorte de COVID ludique.
Observons maintenant les jeux:
Au niveau des prix ludiques, on a maintenant, en dehors des jeux pour enfants, 3 catégories:
- Famille
- Initiés
- Experts
Dans la catégorie Famille, le coeur de clientèle sont bien souvent des personnes qui achètent peu de jeux chaque année. Un, deux, ou trois pas plus. Ils poussent la porte de la boutique, suivent le conseil avisé du ludicaire et repartent avec le jeu qui leur correspond. Et ils y jouent, encore et encore. EN famille bien sûr, mais aussi lorsque les copains des enfants viennent à la maison, ou avec d’autres familles d’amis. La chaine de contamination est en marche. Tranquillement. Sûrement. Durablement.
Dans la catégorie Experts, c’est un peu différent. Les achats sont raisonnés (les jeux sont significativement plus chers, car souvent avec beaucoup de matériel), mais par contre, lorsqu’un de ces « gros » jeux est sur la table, on a envie d’y revenir, encore et encore, afin d’en explorer toutes les voies tactiques / stratégiques, pour le poncer « en profondeur ». La chaine de contamination directe est au final assez faible, puisque le plus souvent, les parties successives se font avec le même groupe de joueurs, limitant de fait cette contamination (dans un même groupe, il n’est pas utile que tous possèdent le jeu). Mais la contamination se fait néanmoins… cette fois ci au travers des réseaux sociaux. Les différents groupes, disséminés géographiquement, aiment à partager leurs photos, leurs scores, leurs feelings. Et du coup, lorsque l’un de ces jeux commence à se populariser de la sorte, tout beaucoup d’experts ont envie y jouer pour pouvoir participer aussi aux discussions sur le sujet.
Pour les jeux Initiés, le cas est différent. Ils sont vite pris en mains, vite adoptés, génèrent très vite un certain nombre de commentaires souvent très positifs.. et puis ça ne dure pas. Parce que au bout de 2, 3, parties, ceux qui les ont achetés, bien qu’ils aient vraiment apprécié leur expérience ludique, ont envie de jouer au prochain jeu de cette famille qui là, vient de sortir. Des publics cible, finalement très tournés sur l’actualité ludique et avides de nouveautés. Des zappeurs ludiques sympathiques et enthousiastes. Du coup, ces jeux se retrouvent très vite sur le marché de l’occasion. Parce qu’on a pas la place sur nos étagères pour tout conserver. Parce que leur revente régulière permet de contribuer à financer les prochains, à moindre coût. (il suffit de voir le succès des bourses de jeux d’occasion animées par les boutiques). Bref,la chaine de contamination peine à se mettre en place. Et la durée de vie de ces jeux est réduite à pas grand chose.
Cette proposition d’explication n’a pas valeur de vérité. C’est un feeling, étayé par des discussions avec d’autres auteurs, des éditeurs et des ludicaires. Pour chacune des catégories, on trouvera forcément des contre-exemples. Mais là aussi, on peut de toute façon en tirer quelques enseignements:
- Aujourd’hui plus que jamais, quelque soit la catégorie du jeu, on a intérêt en amont à tout faire pour ne pas se satisfaire d’un « système de jeu qui marche bien », mais à tout tenter pour lui amener ce supplément d’âme qui, au final , va créer la différence, va permettre un véritable attachement, et le rendre addictif.
- Les éditeurs sont globalement de plus en plus frileux pour se lancer sur des jeux « poids moyens » autour de 35 euros, le risque financier associé leur apparaissant de plus en plus important.
Perspectives ludiques – 2025 – 2026
Après ces quelques divagations méta-ludiques, il est temps de passer à ce qui se profile devant nous.
Demandez le programme !!! Demandez le programme !!!
Cyclades (Open Sésame games / Studio H – avec Ludovic Maublanc – illustrations Miguel Coimbra) va faire son retour sur les étals en ce tout début d’année 2025.
Avec une super chouette édition, un système de jeu toujours basé sur cette fameuse mécanique d’enchères qui a fait son succès, mais amendé pour des parties plus rapides, plus tendues. Dire que j’ai hâte de pouvoir ouvrir une de ces boites et vous en montrer le contenu est un euphémisme !!!
Si SOLSTIS (Lumberjacks studio – Avec Corentin Lebrat – illustrations Gorobei) est un jeu qui a généré une sorte d’addiction chez pas mal de joueurs, cela a été vrai pour nous aussi.
336 parties sur BGA pour moi, et au moins autant en physique. Comme souvent, jouer encore et encore au même jeu à généré de nouvelle l’envies. C’est ainsi qu’avec Corentin, on vous a concocté une mini-extension sous forme de booster, qui sortira pile poil pour le festival des jeux de Cannes 2025.
Au programme, vous découvrirez les LUCIOLES (associées à une nouvelle façon de foncer vers la victoire) et 4 NOUVEAUX ESPRITS (la vipère, le renard, le Phenix et la vache). Aussitôt que j’ai un exemplaire de pré-production dans les mains, je vous partage une vidéo sur ma chaine YouTube.
Haru Ichiban (Offline éditions – illustrations Vincent Dutrait) va faire son retour. Avec une édition dans un petit cocon très agréable. Une boite métal cylindrique du plus bel effet, renfermant un tapis de jeu Néoprène et des pions qui donnent juste envie d’être manipulés. Les illustrations de Vincent Dutrait contribuent à la poésie de ce jeu abstrait pour deux jours, rapide à jouer, dans lequel on tente de faire fleurir ses nénuphars en utilisant le vent du printemps pour glisser vers la victoire.
Mission Planète Rouge (Matagot – Avec Bruno Faidutti – illustrations Derek Standing) va aussi faire son retour sur les étals. En Mars, forcément !
Si je suis complètement honnête, j’avoue que je mon sentiment est mitigé. Je suis super content que notre jeu bénéficie aujourd’hui d’une troisième vie (après une édition Asmodee en 2005, et une édition FFG en 2016). En plus, le travail éditorial de Matagot est super classe. Ça va être un chouette jeu. Mais il sera à un prix de 45 euros, dans cette fameuse catégorie des jeux initiés évoquée plus haut, et avec déjà un parcours de vie qui fait que beaucoup le possèdent déjà à la maison.
Certes, cette version bénéficie d’un plateau modulaire permettant de varier les configurations de départ, et je n’exclue pas, lorsqu’il sortira, de partager une variante permettant un peu plus de contrôle pour ceux qui sont allergiques au hasard de certaines cartes événement (faut surtout que je trouve le temps). Certes, il y a chaque année de plus en plus de nouveaux joueurs (particulièrement depuis le Covid) et leur culture ludique finalement très récente fait qu’ils n’ont jamais connu le jeu original. Mais est ce que cela sera suffisant pour pérenniser cette édition ? Franchement, le l’espère et je croise les doigts.
Légions – Abyss Universe (Bombyx, avec Charles Chevallier et Johannes Goupy – illustrations Xavier Collette et Pascal Quidault): un jeu d’affrontement pour deux joueurs, dans l’univers d’Abyss.
Je précise bien qu’il ne s’agit en rien d’une version duel du jeu Abyss de base. Rien à voir avec ce que j’ai pu faire sur un 7W Duel ou un Splendor Duel. Ici, l’expérience de jeu conférée par Légions est vraiment propre à ce jeu. Elle est intense, l’affrontement pour le contrôle des différents quartiers de la cité, à base de cartes légions, est permanente.
On y joue presque en apnée 😉 . Les parties, rapides, ont tendance à s’enchainer. (Ce qui est bon signe, non ?). Le jeu est planifié à priori pour fin avril. Les quelques illustrations que j’ai vues à ce jour sont juste…. Totalement folles. Au point que j’en ai immédiatement adoptées deux pour mes fonds d’écran de téléphone et iPad.
J’espère que celle que je vous partage aujourd’hui (une des cartes du jeu) va vous mettre l’eau à la bouche !
GATSBY, (Catch Up games – avec Ludovic Maublanc – Illustrations Christine Alcouffe) Un autre jeu pour deux joueurs. Avec des règles super simples. Des parties de 20-30 minutes. Difficile de décrire véritablement le jeu, comme ça en quelques mots.
Il s’agit d’un jeu de placement / sélections d’actions, à information totale. Place à la tactique, qet à la subtilité…. ça va faire chauffer quelques neurones.
Pour ceux qui aiment commencer leurs explications par « c’est comme… », on pourrait dire que Gatsby boxe un peu dans la même catégorie que Blitzkieg. (Et j’adore Blitzkrieg). Là aussi, plutôt que de longs discours, le mieux c’est de vous laisser imaginer l’atmosphère avec cette chouette couverture de Christine, en ayant hâte de faire des videos de présentation à partager. C’est planifié pour mai 2025.
Chateau rossignol (Sand Castle – Avec Eliette et Jeremy Fraile – illustrations Vincent Dutrait):
Là aussi un jeu pour deux joueurs. Basé sur la thématique des « planchers rossignols ». Des planchers qui, quand on marchait sur certaines lame de parquet, émettaient un petit bruit semblable à un chant d’oiseau.
Un jeu asymétrique dans lequel un joueur incarne des Ninchats, tentant de s’introduire discrètement dans le château pour y dérober de précieuses reliques, tandis que le Garde s’efforce de les repérer et les attraper en piégeant les fameuses lattes de parquet.
Un jeu sans véritable équivalent, pour le coup. Le côté attrape moi si tu peux pourrait le rapprocher d’un Mr jack, avec du guessing dedans. Ça devrait sortir par un peu moins de 30 euros en milieu 2025.
Le travail éditorial est en cours de finalisation. Ci-dessus, le visuel de boite, avec un Vincent Dutrait au top de sa forme. Et en dessous, une image de notre proto avant travail éditorial)
Celestia duo (BLAM – illustrations Laura Bevon): hmmmm.. on vous a dit que j’aimais les jeux à deux joueurs ?
Ce qui est dingue c’est que les 4 jeux pour deux joueurs que je sors en 2025 n’ont finalement pas grand chose en commun, en terme d’expérience de jeu, si ce n’est le nombre de joueurs auxquels ils s’adressent. Après un jeu d’affrontement (Légions), un jeu de placement (Gatsby) et un jeu de prise de risque et de guessing (Chateau Rossignol), voici donc un pur jeu coopératif, à information limitée.
Le challenge étant ici de recréer, pour deux joueurs une expérience de jeu analogue à celle du Celestia initial multijoueurs. Ça devrait sortir en milieu d’année, aux alentours de 25 euros.
En 2025, il va aussi y avoir une double actualité sur Kingdomino (Blue Orange)
Tout d’abord une nouvelle version du jeu physique va faire son apparition en milieu d’année. Quand je dis nouvelle version, aucun changement de règle. Ça reste le même jeu. Par contre, 9 ans plus tard, Blue Orange lui offre un nouveau look, avec Pauline Detraz aux pinceaux. Avec dans l’idée que ces nouveaux visuels contribuent à pouvoir implanter un peu plus le jeu en GSS. Rendez-vous à Cannes pour quelques parties sur cette nouvelle version (qui ne sera pas en vente sur le salon, juste présentée).
Et puis 2025, ça va aussi être la mise en ligne d’une Application Mobile Kingdomino. Il sera désormais possible d’y jouer online en live contre des joueurs du monde entier, en local, en pass and play, mais aussi contre une AI. Bref, si vous aimez Kingdomino, vous aurez toujours un adversaire pour croiser le fer.
Pour ces deux projets, j’avoue être assez curieux et impatient de voir ce que ça va donner.
Extra Pepper (Bombyx, avec Théo Rivière) c’est.. une seconde extension pour Sa Salt & Paper.
A nouveau sous forme de booster. A nouveau avec des jolis origamis qui seront créés pour l’occasion. Pas de nouveaux animaux, pas de nouveaux pouvoirs, pas de nouveaux scorings. En effet, on pourrait multiplier les effets à l’infini. Mais au risque de complexifier le jeu, de le rendre difficile à expliquer, et aussi et surtout de diluer la distribution des cartes initiales, rendant certaines combos très, trop difficiles à déclencher.
Bref, il était hors de question de briser la magie de l’équilibre de ce jeu, qui contribue clairement à son succès. Alors avec Théo on a imaginé…. Autre chose… qui v déclencher une vrai renouvellement de l’expérience de jeu à chaque manche… avec des situations qui génèrent même parfois de la rigolade.
Non, n’insistez pas, je n’en dirai pas plus aujourd’hui, à part que cette mini extension ne quitte plus ma boite. Hors de question de jouer sans, dorénavant. Mais ça va sortir probablement en fin d’année 2025. Donc je reviendrai vers vous quand j’aurai des vraies choses à montrer. Le projet est bouclé et accepté, mais le travail éditorial n’a pas encore commencé.
Urba Nova (Studio H, avec Andrea Mainini, illustrations Francisco Fonseca), c’est pour fin 2025.
Un jeu que certains d’entre vous ont peut être croisé au Off de Cannes 2024 sous le nom de Central Park.
Un jeu qui crée un présence visuelle assez impressionnante sur votre table de jeu. On y voit une ville commune s’ériger peu à peu, chacun tentant de tirer la couverture à lui en plaçant ses bâtiments sur les meilleurs emplacements.
Des choix court terme cruciaux, mais à placer en liaison avec des objectifs moyen terme. Un jeu où il va être essentiel de s’adapter au fur et à mesure que la ville évolue.
(Pour les esprits taquins, oui, le jeu s’appelle bien URBA NOVA et pas « logotype »… l’image que je vous partage aujourd’hui est un simple work in Progress de ce à quoi pourrait ressembler le facing de boite. juste pour montrer l’atmosphère vers laquelle on se dirige)
Bon.. là on a fait le tour de 2025. Mais j’ai déjà aussi quelques news pur 2026 !
Trail again (Blue Orange, avec Paul-Henri Argiot, illustrations Des bulles et des bosses):
un projet un peu particulier, puisqu’il s’agit avant tout d’un petit jeu de cartes destiné à être offert aux participants des trails avec lesquels on trouverait un partenariat.
Un petit jeu tout simple mais avec des images pleines d’humour (allez voir le blog de Des bulles et des Bosses.. ça donne envie non ?) que l’on pourra jouer en solo (après tout, le Trail, c’est avant tout une épreuve contre soi-même) ou à deux joueurs.
Black Charm (Synapse Games , avec Ludovic Maublanc – travail éditorial à venir ).
Tout ici est provisoire: le titre du jeu et l’image ci-dessus, c’est juste mon proptotype.
Un jeu que certains ont croisé à cannes sous le nom de Heliopolis. On a changé de thématique. Adieu pyramides et Sphinx, bienvenue aux Moulins, fermes et champs de tulipes. Mais le principe reste le même.
On va retrouver un outil ludique que j’affectionne particulièrement, les pentominos. Mais avec un vrai twist: dans tous les jeux de polyminos, généralement, l’objet est de tenter d’optimiser le remplissage d’une forme donnée en les ordonnant le mieux possible. Ici, le joueur va se retrouver face à un vrai dilemme: Optimiser le remplissage n’est qu’une des des voies permettant d’accéder aux points de victoire.
Créer volontairement des « trous » dans la structure de pentominos est également un autre moyen. On va donc vouloir en permanence faire les deux. De ce dilemme nait la tension, et l’envie de faire mieux lors de la partie suivante. Encore et encore. Le travail éditorial commence à peine. On ne connait pas encore la charte graphique, mais, en ce qui concerne le matériel, si ce qui se profile reste accessible en terme de coût, ça promet d’être très chouette.
Nidavel’aare (Grrre Games, avec Serge Laget – travail éditorial à venir). C’est le premier des projets que j’avais avec Serge sur lequel j’ai réussis à reprendre le flambeau. J’ai commencé par celui-là sans doute parce que c’était celui qui était le moins chargé émotionnellement. Puisque ce projet n’avait fait l’objet que d’intentions, d’envies. Bref, on avait défini le « quoi », mais sans rentrer dans le détail du « comment ».
Le « quoi » est né lors d’une de mes visites au chalet d’un Monde de Jeux. Martin souhaitait que je les refasse jouer à un « vieux » jeu: Mundus Novus. Un jeu de cartes, dans l’univers des Conquistadores, basé sur le système de commerce de Mare Nostrum, le titre emblématique de Serge. Un jeu qu’on aimait beaucoup et qui avait eu une durée de vie bien éphémère.
Faire redécouvrir le jeu à Martin m’a conduit à deux réflexions principales:
- Tout d’abord l’expérience de jeu était vraiment trop chouette et c’était bien dommage que ce jeu soit passé à la trappe trop vite
- Et en même temps, cette expérience de jeu était aussi un peu gâchée par deux choses:
> tout d’abord j’avais beau connaitre le jeu par coeur et l’aimer beaucoup, à chaque fin de tour, il me fallait revenir à l’aide de jeu pour bien savoir quelles cartes prendre et/ou combien de points marquer.. par très « user friendly », pas très « années 2020 » tout ça
> ensuite, le jeu, datant de 2011, conduisait à une durée de partie sans doute un peu trop longue par rapport aux critères de notre nouvelle ère ludique
Fort de ces constats, on avait échangé plusieurs fois avec Serge sur notre envie de redonner vie à Mundus Novus, en faisant les évolutions nécessaires pour des gains de fin de tour ne nécessitant pas de mémorisation ou de retours à des aides de jeu, et une durée de vie plus adaptée à l’époque. On en était là de nos discussions.
Et c’est en rentrant du Québec, à l’automne 2023, que je me suis senti l’énergie nécessaire pour m’engager sur ce projet. Avec une idée née dans l’avion du retour et permettant de rendre limpide les gains de fin de tour.
Les premiers tests ont été immédiatement concluants. J’ai travaillé le jeu durant la fin d’année 2023.
Et c’est suite à Cannes 2024 que Grrre Games, après quelques parties m’a indiquait qu’ils souhaitent eux aussi s’engager sur ce projet. Avec la conviction que ce système de jeu se prêtait parfaitement à l’univers de Nidavellir.
D’un seul coup, tout faisait sens, et C’est donc avec enthousiasme que j’ai accueilli cette envie éditoriale.
Shadows /Chevaliers de la Table ronde 2.0 (avec Serge Laget – travail éditorial à venir).
AHHH les Chevaliers de la Table Ronde… un jeu qui aura été une véritable pierre angulaire de mon parcours ludique. Une aventure folle, qui, disons le, nous aura un peu rendu zinzins à l’époque, perdant un peu le sens des réalités qui nous entouraient, portés par l’enthousiasme des testeurs, des joueurs. Un jeu qui m’aura donné une légitimité à l’international avec Le Spiel (mon premier trophée, en mode « prix spécial »)
Un jeu qui aura marqué son époque, en proposant ce mode de coopération avec possibilité d’un traitre à l’intérieur de l’équipe.
Mais aussi un jeu qui a vieilli. Si il a fait partie des précurseurs au niveau du jeu coopératif, force est de constater que ce secteur s’est développé vitesse grand V, que de nouveaux standards sont apparus, et que notre Chevalier d’antan, s’il reste une madeleine de Proust pour ceux qui l’ont découvert à l’époque, est devenu chaque année un peu obsolète.
Ce constat nous a amené, avec Serge, depuis pas mal de temps, à nous projeter sur une nouvelle version. Qui conserverait la substantifique moelle du projet initial (de la Coop., la possibilité d’un traitre) mais avec une dynamique plus contemporaine (hors de question de passer sa partie coincé au Graal, bienvenue aux petits choix permanents, cruciaux). Un première version a ainsi été élaborée, avec une version quasi finalisée qu’on avait en proto depuis 2020, à peu près.
Notre toute première présentation à notre éditeur initial n’avait en l’époque pas été suffisamment concluante.
Avec le recul, avec Serge, on avait fait le constat que, dans notre nouvelle version, conduisait à une suite de montées en tensions, très agréables, et conformes à l’expérience de jeu qu’on cherchait à créer, mais qui étaient interrompues par des moments de pertes d’intensité, certes pas très longs, mais puissants et au final assez néfaste à cette fameuse expérience.
Un truc du genre Up, Up, Up ,Up…. Dawn. Up, Up, Up , Up…. Dawn
Bref, on était conscients tous deux qu’il était nécessaires de trouver une parade à cela.
Notre dernière discussion était d’ailleurs autour de ce point là. Sans trouver à ce moment de solution.
Durant tout 2023, la boite du prototype était sur mon bureau, là, à ma gauche, chaque matin, sans que je ne trouve la force de seulement l’ouvrir pour me ré-imprégner du matériel, des règles, et des belles aventures, même imparfaites, qu’on avait déjà vécues avec cette version.
Et puis il y a eu le travail sur Mundus Novus, qui m’a un peu réouvert les portes. Début janvier j’ai, enfin, réouvert la boite.
Et soudainement l’idée qui nous manquait depuis 4 ans est venue. Débloquant tout.
Je suis aujourd’hui avec un sentiment un peu paradoxal:
Celui de la satisfaction de pouvoir enfin aller au bout du projet, de tout faire pour lui trouver plus bel écrin possible. Et en même temps j’ai au fond de moi un fond de culpabilité. Parce que de nous deux, c’est moi qui ait le plus « bloqué » le projet, avec l’idée qu’il fallait nous présenter aux éditeurs le jour où on serait totalement prêts (alors que Serge était plutôt partant pour le montrer quand même en l’état), et aussi parce que au final, l’idée qui a tout débloqué était tellement simple, presque évidente, que je m’en veux de ne pas l’avoir eu à temps. J’aurai tellement aimé qu’on puisse y jouer ensemble.
Cet long, très long, trop long article se termine donc comme il a commencé. Avec Serge
Vous aurez compris que les deux derniers jeux que j’évoque ici ne sont pas du tout pour moi deux jeux de plus dans ma ludographie. Mais deux projets que j’entends porter comme un hommage à Serge, une façon de saluer son travail, son inventivité, et de perpétuer sa mémoire.
Carpe Diem
Très bel article qui va au-delà des réussites et des projets qui défilent pour entrouvrir une fenêtre sur les challenges et les doutes de l’humain, et surtout la capacité à puiser dans des ressources insoupçonnées pour relever la tête.
Fidèle au poste, je serai ravi de vous croiser au FIJ comme chaque année, parmi la foule de joueurs qui apprécient vos jeux (ou comme dirait ma femme, en bonne groupie que je suis)
Merci beaucoup pour ce retour.
Il m’a fallu, je pense, l’équivalent de deux jours de boulot à temps complet pour venir à bout de ce texte.
ça faut plaisir de voir qu’il est lu !
Au plaisir de se croiser su Cannes
Laissez Mow sur BGA SVP…. merci pour cet article tres instructif et interessant.
Merci beaucoup pour ce magnifique bilan et surtout pour les magnifiques projets à venir.
Ça sera encore une magnifique année 2025 marquée par l’univers de Bruno Cathala.
Une excellente année en perspective.
Joyeuses Fêtes et bonne année 2025 avec plein de santé et beaucoup d’idées.
A bientôt en espérant une viisite au Québec en 2025 .
Amitié Stéphane Petitpas
Merci Stéphane
Superbe texte et hommages réguliers à Sergio !
Les chevaliers, V.2, sont forcément très attendus.
Merci merci merci Bruno pour cet article !!! 🥹😊
Merci Ludo
En plus tu fais partie de ceux qui ont joué a cannes à Urba nova, je crois
Merci Bruno pour ce super article, c’est très intéressant et instructif. S’il fut long et à écrire et même à lire (!) cet article a le mérite d’exister, mettre les choses en perspective et lever le voile sur l’avenir! Bravo et bonne continuation !
Bravo et merci pour la rédaction très intéressante de cette rétrospective.
Je trouve çà très chouette de se poser et de faire le bilan, des jeux sortis, qui s’installent ou non, des projets en cours et à venir.
On se croise ici et là en festival, sans prendre le temps de discuter ensemble. Mais à l’occasion je serais ravi d’échanger avec toi.
Au plaisir et encore bravo pour la rédaction de se post et pour ton travail en tant qu’auteur.
Belle soirée.
Tu arrives à raconter comme personne la vie d’auteur, ses victoires, ses doutes et ses espoirs.
Il y a clairement un avant et un après Sergio, mais je suis certaine qu’ils serait ravi de voir que tu continues à avancer!
Tu sais que tu es toujours le bienvenu ici en terre nantaise, et toujours l’auteur dont je possède le plus de jeux 😜
Que 2025 et 2026 t’apportent la sérénité ludique et l’équilibre entre passion et raison.
A bientôt pour de nouvelles aventures!
Hate de quelques sorties
Et toujours intéressant ce regard dans le rétro.
Toujours un vrai plaisir de lire tes bilans. Merci et bravo.
C’est mon banquier qui va être content lol
Comme chaque fois c’est pertinent et très intéressant
Est ce trop long? Non certainement pas et c’est même presque trop court moi ,j’en redemande autant x2
Serge n’est plus là mais il t’accompagne assurément
Merci pour tout cet article !
J’ai revécu de beaux moments rien qu’à le lire 🙂
J’avais plein de choses à dire tout le long de l’article, et je finis émue … rien n’avait réellement d’importance en fait.
Bonne continuation ! J’espère pouvoir voir l’extra Pepper et peut-être l’extension de Sölstis lors des off de Cannes! A bientôt
Quel plaisir de prendre le temps de lire un aussi long article avec autant de contenu… c’est assez rare de nos jours vu qu’on va toujours au plus vite !
Je me rappelle de notre discussion concernant tes moments de doute l’année passée au FIJ de Cannes et je suis bien heureux de constater qu’avec le temps le fait de créer ait été plus fort que ta lassitude et ton sentiment de ne plus être légitime ☺️
Ne change rien, continue à faire des jeux auxquels tu prends toujours plaisir à jouer et à nous faire jouer 🤩
J’avais manqué votre bilan vidéo et l’an dernier j’ai été déçu de ne pas le trouver sur trictrac. Cela fait plaisir de vous retrouver et c’est toujours aussi intéressant.
Merci pour cette plongée dans votre année et ce que vous avez ressenti, vécu.
Je ne me retrouve pas vraiment dans l’une de vos trois catégories d’acheter mais peu importe.
Bon vent pour la suite et joyeux Noël d’ici là.
Les trois catégories que je décris sont des archetypes. Heureusement, tout le monde ne rentre pas ds les cases 😀
Merci bruno
Et surtout à très vite sur Cannes
Merci pour ce témoignage
Seul soucis, je ne vais pas aller au off sur cannes
L’extension de SOLSTIS sera sur le stand de lumberjack
Et pour SSP, il faut pas hésiter a venir me trouver ici où là pdt le festival
Merci pour cet interessant article.Cela fait un bien fou de se replonger dans tous ces souvenirs de parties et de jeux.
Je suis heureux d’apprendre que l’envie est toujours là cher Bruno.
Hâte de découvrir ces prochaines sortie.
Bonnes fêtes
Merci pour ce bilan toujours très attendu (une petite relecture aurait été bienvenue 😉 ).
Très intéressé pour découvrir Urba Nova et Shadows.
Le programme des sorties est chargé. J’espère que tu vas rester avec cette énergie et motivation.
Tout d’abord merci au delirium ludique qui, sans leur intervention, le monde ludique aurait été encore plus en deuil (on a déjà perdu Serge, on veut garder Bruno !)
Ensuite…..quel bel hommage rendu à Serge en continuant d’être celui que tu as été avec lui. Continuer vos projets, c’est le faire vivre! Les futures boîtes de jeux auront vos noms. J’ai hâte !
Et pour finir, merci simplement de tes jeux….
J’ai connu la perte tragique de ma meilleure amie fin 2024, passionnée de jeux de société, elle était continuellement à ta recherche au festival de Cannes pour que je puisse te voir. Elle me surnommait la cathalawowan 😂.
Dévastée de sa perte, il n’y a pour l’instant que les jeux qui me permettent de m’évader et de sourire à nos anciennes parties endiablées.
Les jeux sont aussi un médicament.
Merci pour cette rétrospective, merci pour tous ces jeux et ces futures sorties.
Je te croiserai certainement à Cannes le moi prochain. Si tu vois une femme souriante avec de petites larmes sur ses joues en te regardant (il faudra que je te trouve sans elle cette année) ….ça sera certainement moi!
Michèle
Merci beaucoup pour ce nouveau bilan, toujours passionnant.
Quel plaisir de vous lire, Bruno. Très émouvant en particulier de vous voir parcourir ce terrible col du deuil, avec tout ce que cela remet en question. Ici, à Collonges-sous-Salève, nous nous rappelons de la partie de Nidavellir jouée le jour où a été annoncé la triste nouvelle. Bon vent à vous Bruno, et encore merci pour tous ces moments de joies que vous nous permettez de vivre.
Pierre
Merci pour ce résumé , chaque année interessant! Et pour les jeux, evidemment !
De mon côté, je suis un fan de Cyclades Titans, de Sobek 4j, et je trouve que Mr Jack Pocket est une idee parfaite de jeu(meme si je perds tt le temps).
Pour le marché, je pense que vous dites tout ici : « l’érosion des long-sellers condamne un peu plus encore les auteurs qui veulent pérenniser leur activité à, soit avoir la chance d’avoir un hit absolu, soit à foncer tête baissée dans la course à la nouveauté, en faisant encore plus de jeux, et en contribuant encore plus à la mécanique décrite ci-dessus ». Cela vaut evidemment aussi pour les editeurs..
Et du coup je tique qd meme chaque fois un peu qd je lis/entends des auteurs qui se ‘plaignent’ du marché alors qu’ils y contribuent (consciemment) très fortement, en produisant parfois des jeux justement très semblables, très consensuels, .. L’exemple type étant : Batisseurs 1&2 -> Inventeurs -> Bounty Hunters…
Si on pense à Mr Jack, Mr Jack NY, Fantome Opera,.. Kingdomino, Queendomino, Origins, Dragomino, … Trek 12, Trek12 Amazonie,… Duel 7w, Duel SDA, … + Les mécanique de collections qu on a l’impression de retrouver dans bcp vos jeux (Sobek, les esclaves dans Five Tribes, Kanagawa, Micropolis, Imaginarium, Queenz,..).. Ce sont ces petites choses qui ont fait que, pr prendre mon cas personnel, je me suis lassé de certains d’entre eux rapidement, et n’ai pas cherché à me renseigner sur Orichalque ou d’autres, alors qu’ils n’ont peut être rien à voir avec ça.
Mais si j’avais eu (la moitié) de vos idées et de votre talent, je sais que j’aurais assurement fait les mêmes choix, pcq si ça permet d’entre vivre..
Merci pr ces belles années et vivement la suite(/l’ancien) !
Merci beaucoup ! Chouette un voisin 😉
Ca fait toujours plaisir d’avoir des commentaires un peu étayés, merci pour ça.
Je rebondirai juste pour faire de§x précisions concernant mon approche, mes motivations :
– mon propos dans cet article n’est pas de me plaindre du marché. Je dresse simplement un constat.
– lorsque je m’engage sur un nouveau projet ludique, ce n’est jamais motive oar une nécessité financière. Aujourd’hui, j’ai la chance que des kingdominos + 7 wonders duel me donnent un peu de serenité, mais avant cela, j’ai toujours eu une activité annexe me permettant, justement, d’aller chercher le complément f!nanc!er nécessaire à ne pas avoir de pression de creation de nouveaux jeux dans l’urgence et le stress du revenu.
Ce qui me pousse, c’est à chaque fois l’envie de jouer à ce jeu, là, maintenant.
Et quand je suis bien à l’intérieur d’un système de jeu; j’ai envie d’en pousser l’exploration. C’est ça qui, par exemple, a conduit à toute la gamme des mr jacks
Bref, j’ai la chance de gagner ma vie en créant des jeux
Maus je ne crée pas des jeux pour gagner ma vie
Bonjour Bruno
Super article avec plein d’infos, d’observations et d’émotions.
Merci pour le partage de ta passion et toutes tes créations qui nous donnent tant de plaisir. Quel soulagement et chance pour nous tous que tu aies rapidement succomber à l’appel des sirènes du jeu et retrouver l’envie et le plaisir de continuer 🙂
Donc allez, “dernière chance” ! 😉
Merci pour tout,
Éric