Editeur: Matagot
Date de sortie: Novembre 2011
Auteur: Bruno Cathala & Ludovic Maublanc
Illustrateur: Miguel Coimbra
Nombre de joueurs: 2 à 5
Durée: 60 à 90 mn
Age: à partir de 12 ans
Cyclades Extension : Le making-off
Depuis que Cyclades est sorti, il y a deux ans, nous ne comptons plus les parties que nous avons faites, avec des joueurs de tous horizons. Et malgré le renouvellement naturel de la physionomie des parties, il est arrivé un moment où nous avons eu envie doffrir de nouvelles possibilités tactiques, de nouveaux challenges.
Plutôt que de faire une multitude de petites extensions, qu’il aurait été possible de sortir à l’occasion des divers salons qui ponctuent une année ludique, nous avons fait le pari d’une bonne grosse extension, contenant différents modules, qu’il est possible d’intégrer en tout ou partie selon l’envie des joueurs présents.
Cet article est pour nous loccasion de revenir sur les réflexions, dilemmes et envies qui ont guidés nos choix.
Module numéro 1 : le placement libre
En fait, il sagit du premier élément sur lequel nous avons travaillé, avant même de décider de véritablement développer une extension.
En effet, lors du travail sur le jeu initial, nous avons volontairement choisi une mise en place pré-établie en fonction du nombre de joueurs.
Ce choix répondait à deux souhaits :
– une préparation du jeu la plus rapide possible (lorsque l’on découvre un nouveau jeu, il est bien difficile d’être pertinent sur des choix de placement initial, ce qui conduit une partie des joueurs à y réfléchir des heures, par peur de « mal » joueur). Et il était important pour nous de plonger le plus vite possible les joueurs dans le vif du sujet.
– un début de partie assez tranquille et équilibré au niveau des ressources, permettant à chacun, sur un ou deux tours, d’apprivoiser les mécanismes du jeu, afin d’être parfaitement sur ses gardes lorsque la tension commence à vraiment monter un peu plus tard dans la partie.
Et notre placement initial, ne mettant jamais les adversaires en confrontation directe dès le tour 1, répondait parfaitement à ces attentes.
Après pas mal de parties, et surtout lorsqu’il ny a plus de nouveaux joueurs à initier autour de la table, l’envie d’en découdre plus rapidement devient assez naturelle. D’où l’idée d’un placement libre. Encore fallait-il décider l’ordre dans lequel les joueurs allaient se placer.
Un ordre des joueurs tiré de façon aléatoire n’était pas acceptable pour un tel jeu, de part l’avantage énorme de pouvoir choisir des îles offrant beaucoup de ressources pour le premier joueur.
Nous avons aussi essayé le système de placement des colons de catane (l’ordre des joueurs est défini aléatoirement, mais le premier joueur choisit une seule île, et ainsi de suite jusqu’au dernier joueur, qui, lui, choisit ses deux îles, et ensuite on revient en sens inverse pour terminer par le premier joueur). Si ce système fonctionnait, il n’était pas totalement satisfaisant car ne s’appuyant pas sur le coeur de jeu de Cyclades.
Et si finalement il n’était pas plus simple de déterminer l’ordre de placement en utilisant le système d’enchère propre au jeu de base ? En plaçant les dieux aléatoirement comme d’habitude, et en offrant un petit bonus spécifique à chaque dieu lors du placement. (une troupe de plus pour Arès, un bateau pour posséidon, un prêtre pour Zeus, un philosophe pour Athéna et une corne d’abondance pour Apollon).
Encore fallait-il trouver une astuce pour contrebalancer l’avantage dun premier joueur choisissant les îles à 2 PO. Et cette astuce était assez évidente : Lors du premier vrai tour de jeu, pas de revenus, il va falloir faire avec l’argent que l’on n’a pas dépensé lors de la phase de placement initial.
Du coup, si on veut absolument bénéficier du bonus de tel ou tel dieu, ou se placer très tôt, il va falloir payer . Mais attention à ne pas payer trop, car l’absence de revenus du premier tour risque de générer de jolis retours de bâton !!
Bref, le placement libre est maintenant une véritable première phase de jeu, tendue et agressive, et qui s’adresse à des joueurs ayant une bonne expérience du jeu. Cerise sur le gâteau, elle ne nécessite aucun matériel supplémentaire et peut donc être jouée avec le jeu de base sans lextension !!! L’essayer, cest l’adopter .
Module numéro 2 : Hades
Une fois décidé de travailler sur une véritable extension, la première envie qui nous est venue a été d’ajouter un nouveau Dieu.
Dès lors, il fallait répondre à trois questions essentielles :
> Quel serait ce nouveau Dieu ?
> À quoi servirait-il ?
> Comment l’incorporer dans le système de jeu de base ?
La réponse à la première question est tombée comme un évidence : Hadès, le Dieu des enfers, avait une puissance évocatrice suffisante pour justifier à lui tout seul un travail autour de ses pouvoirs.
Et comme lorsque l’on évoque Hadès, on est pas en train de parler de bisounours, il était évident qu’il fallait lui trouver des effets dévastateurs.
Et tant qu’à faire autant en profiter pour offrir de nouvelles possibilités de mouvement à la frange des joueurs regrettant que le jeu de base soit parfois un peu trop statique à leur goût .
C’était décidé, Hadès permettrait de recruter des flottes ET des troupes, et de déplacer des flottes ET des troupes. Le beurre ET l’argent du beurre, en quelque sorte… mais pas la main de la crémière :
> D’une part parce quil était hors de question qu’une telle puissance de feu soit accessible en permanence. Il fallait donc trouver une astuce pour ponctuer le jeu de ses apparitions.
> D’autre part parce que les flottes et troupes recrutées par Hades ne sont pas des unités militaires régulières : il s’agit de morts vivants . Qui disparaissent dans le néant à la fin du tour de jeu. Du coup, dépenser des fortunes pour des opérations militaires ponctuelles, c’est bien et ça peut être très efficace… Au risque de se retrouver fort dépourvu lorsque la fin du tour fût venue !
Comme on le voit, la nature même d’Hadès nous a obligé à « timer » ses apparitions. Nous souhaitions qu’il n’apparaisse pas à tous les tours de jeu, et que l’on puisse évaluer si cette apparition était imminente ou pas.
Au recto de la tuile Hadès, nous avons donc imaginé une piste numérotée de 0 à 9. Au début de chaque tour de jeu, on lance les deux dés présents dans le jeu (valeur 0-1-1-2-2-3). Et on avance le marqueur de la valeur indiquée par la somme des deux dés. Si le marqueur atteint ou dépasse 9, Hadès entre en jeu, en lieu et place d’un autre Dieu. En moyenne, le résultat des dés est de 3, et Hadès arrive en jeu tous les 3 tours. Selon les parties, il fera son apparition de 2 à 4 fois. Exactement ce que nous souhaitions !
Dernière partie de la résolution de l’équation Hadés : quel Dieu remplacer..
Au début des tests, le remplacement se faisait de façon aléatoire, et Hadès pouvait se retrouver en n’importe quelle position parmi les 4 premiers Dieux. Tout ceci se passait fort bien sauf que.. ça nécessitait un paquet de manipulation, et surtout une méthodologie différente en fonction du nombre de joueurs présents (le nombre de Dieux mis en jeu est différent selon le nombre de joueurs).
Et lorsqu’est venu le temps de la rédaction des règles, ces méthodologies, toujours réalisées par nos soins lors des tests, se sont révélées plutôt difficiles à décrire. Et nécessitaient plus d’une page à elles seules. Ce n’était ni souhaitable, ni élégant. Nous avons donc décidé d’essayer autre chose : positionner Hadès systématiquement en remplacement du Dieu situé juste avant Apollon.
Cette méthodologie avait l’avantage d’être plus simple à expliquer, de toujours fonctionner quel que soit le nombre de joueurs, de conserver des configurations variables d’un tour à l’autre (le dieu remplacé reste aléatoire).
Et de plus elle amenait un dilemme supplémentaire : il est généralement plus intéressant de miser sur les tous premiers Dieux afin d’accéder aux pouvoir des créatures mythologiques. Lorsqu’Hadès est en jeu, faut-il poursuivre cette stratégie ou abandonner les créatures à ses adversaires pour profiter de la puissance des enfers ?
Après tests, cette méthodologie nous a définitivement conquis et nous l’avons adoptée sans regrets !
Module 3 : Créatures & Héros
Un jeu sur la Mythologie Grecque se devait de laisser la part belle aux Héros. Nous y avions pensé au moment de boucler le jeu de base. Même si l’idée était tentante, cela nous obligeait à ajouter une nouvelle mécanique à un jeu déjà costaud ! Nous avons donc gardé cette idée en tête pour plus tard, à l’occasion d’une éventuelle extension. Heureusement pour Ulysse, Achille et compagnie, le succès du jeu leurs permis d’entrevoir la sortie du tiroir à idées 😉
Les Héros devaient apporter deux choses : une présence physique sur le jeu en tant que figurine (une des marques de fabrique de Cyclades) et un pouvoir permettant aux joueurs de nouvelles stratégies.
En effet, nous voulions que le fait de contrôler un héros puisse offrir au joueur une nouvelle opportunité de gagner et donc de créer une Métropole. Les deux premières idées qui nous parurent évidentes furent de permettre aux joueurs de construire automatiquement une Métropole en contrôlant un certain nombre d’île, ou en dépensant cash, une certaine somme. Avec ces deux Héros, nous offrions 2 nouvelles directions stratégiques aux joueurs.
En cherchant dans cet esprit, nous avons déterminé qu’un Héros pourrait permettre de créer une Métropole avec 3 Bâtiments au lieu de 4 et qu’un autre pourrait convertir ses Prêtres en Philosophes… ouvrant dautres voies pour la victoire.
Enfin, en réfléchissant aux Héros légendaires et aux effets qui pourraient être utiles dans le jeu, il était difficile de faire limpasse sur Persée chevauchant Pégase (une des créatures les plus puissantes du jeu) et donc à un héros pouvant « aller chercher Pégase dans la pioche ».
Et pour une touche féminine, nous avions la reine des amazones et son île mystérieuse qui pourrait permettre à un joueur d’y bâtir une Métropole inattaquable !
Tous ces effets se sont très naturellement associés aux héros légendaires. Midas pour la création d’une Métropole en payant. Achille pour les conquêtes militaires, etc.
Mais il fallait aussi donner un vrai intérêt aux figurines des Héros sur le jeu, afin que ce ne soit pas juste une décoration. Les premiers tests ont été effectués en affectant une force militaire supplémentaire aux Héros: ils comptaient tous comme deux troupes. Si les tests se sont révélés positifs (donner un pouvoir militaire aux héros était à la fois assez instinctif pour les joueurs, et intéressant sur le plan ludique), notre formule nétait pas totalement satisfaisante pour deux raisons :
> le pouvoir en lui même était redondant avec celui du minotaure. Alors le conserver pour lun des Héros, pourquoi pas, mais le généraliser.. cétait pas top.
> Nous trouvions que cela ne personnalisait pas assez les Héros.
Nous avons donc cherché quel genre de bonus pourrait être utile lors d’un combat et à quel Héros l’associer. Ignorer le bonus de défense d’une Forteresse pas exemple était un bon pouvoir et il s’est tout naturellement trouvé associé à Ulysse. Relancer son dé d’attaque en payant une pièce était tout trouvé pour Midas. Achille, lui, a gardé la force de deux troupes, ça lui allait tellement bien !
Il fallait à présent trouver une manière de faire entrer ces nouveaux personnages en jeu. Pour ne pas alourdir le système avec une nouvelle mécanique, nous avons inclus les héros dans la pioche des Créatures Mythologique. Seulement, nous ne pouvions pas les traiter de la même manière. En effet, nos créatures sont soit des pouvoirs uniques dont on défausse immédiatement la carte, soit des figurines qui ne restent en jeu qu’un tour. Il fallait que les Héros apparaissent sur le jeu en tant que figurine, et restent en jeu longtemps pour permettre au joueur d’orienter sa stratégie dans la direction indiquée par le héros. Mais comme les Héros étaient vraiment très puissants, nous nous devions de contrebalancer ce pouvoir par une petite épine dans le pied du joueur : Ce qui fût fait en obligeant le joueur à payer 2PO au début de chaque tour pour garder son héros. (Les anciens joueurs de Magic qui sommeillent en bien dentre nous auront reconnu le concept des créatures à coût d’entretien)
Enfin, comme cette extension apporte son lot de nouveautés, il était assez naturel dajouter quelques nouvelles Créatures Mythologiques liées aux Enfers.
Ainsi, Charon permet d’aller chercher un héros dans la défausse, les vilaines Érinyes volent l’argent de la Nécropole. Nous avons aussi ajouté un Cerbère (que serait une extension sur Hadès sans son toutou préféré 😉 sous la forme d’une figurine qui aura le pouvoir de pourrir un joueur en semparant, pour un tour, de tous les revenus produits par l’île sur lequel il a été déposé ! Enfin, pour rester dans le même (mauvais) esprit, l’Empousa a le pouvoir de voler une corne d’abondance !
Heureusement, pour les paranoïaques, nous avons boosté le pouvoir de Chiron pour lui permettre de se défendre contre ces nouvelles menaces !
Module 4 : Faveurs divines
Et puis les parties ont succédé aux parties. Et très vite, nous navons plus été en mode « test » (à savoir des parties dans lesquelles lobservation, lanalyse et les microréglages prennent le pas sur le jeu en lui-même). Tout sorganisait bien et les parties se révélaient à la fois passionnantes, tendues, épiques et nous avons eu encore de nouvelles envies..
Tant quà faire une extension, autant quelle soit complète.. alors pourquoi ne pas inviter à la table des joueurs tous les autres Dieux de lolympe.. (en tous cas ceux qui faisaient partie du premier cercle). Héra, Hermès, Aphrodite, Héphaistos, Demeter, Hestia, Artemis, Dionysos se devaient de faire leur entrée. Une entrée « discrète » (hors de question de casser la mécanique du jeu qui a largement fait ses preuves juste pour un add-on thématique), mais attractive (il fallait que les joueurs aient envie de faire appel à leurs pouvoirs.
Afin de ne pas complexifier les choses, nous avons tout dabord décidé que ces faveurs divines ne seraient pas disponibles en même temps quHades. Ainsi, une partie de Cyclades va se composer dune alternance de tours « calmes » avec les Dieux de base + faveurs divines (un calme relatif, nest ce pas ), et des tours plus tourmentés sous linfluence du maléfique Hadès.
Pour introduire ces dieux, nous avons décidé dassocier leurs faveurs au dernier dieu juste au dessus dapollon. Ainsi, à chaque tour, une des 8 tuiles faveurs divines est piochée et placée à côté du dieu avant apollon. Ainsi, le joueur est toujours placé face au dilemme suivant : dois je tenter de miser sur les premiers dieux pour la combo pouvoir de ce dieu + accès aux créatures mythologiques Ou bien privilégier le dernier dieu digne de ce nom (il ny a que les couards qui se réfugient dans les jupes dapollon) pour la combo de son pouvoir + les faveurs divines qui lui sont associées sur ce tour.
Et ces faveurs divines, quelle en est la puissance… Et bien chacune dentre elles a deux effets :
1- un effet gratuit de faible intensité :
> Toutes les divinités féminines permettent de piocher une prêtresse (la prêtresse peut être défaussée au lieu de payer le coût dentretien dun Héros, ou pour conserver une créature à figurine un tour supplémentaire)
> Toutes les divinités masculines permettent de piocher un objet magique forgé par Héphaistos objets sympathiques dont on vous laissera découvrir les effets en jouant 😉
2- un effet plus puissant, mais quil va falloir payer le plus souvent.
Ainsi, Dionysos permet de construire un Théâtre, bâtiment sans effet, mais sans couleur… ou plutôt multicolore puisquil peut prendre la couleur de votre choix au moment de la construction dune métropole, Hermes permet de poser une corne dabondance sur une case maritime, Hera daller chercher un héros dans la pioche etc etc
Toujours plus de choix tactiques, pour des ressources toujours aussi limitées.
Les parties de Cyclades ne se ressembleront jamais. A vous de savoir lire les augures et tirer parti à votre avantage des nouveaux arsenaux !