Editeur: Bombyx
Date de sortie: Février 2016
Auteurs: Bruno Cathala & Matthieu Lanvin
Illustrateur: Rémy Tornior
Nombre de joueurs: 2 à 5
Durée: 20 minutes environ
Age: à partir de 10 ans
ça y est… Les Manchots Barjots sont sur le point de commencer leur invasion. Mais avant de vous parler de ce petit jeu tout mimi dans sa boite métal, je vais commencer par vous présenter mon co-auteur, Matthieu Lanvin.
Lanvin, c’est fou, non ?
Nous nous sommes rencontrés la tout première fois à Essen, il y a… je ne sais pas.. 3 ou 4 ans. Je logeais à l’hôtel Bredenney, un hôtel réputé pour sa colonie francophone, son célèbre « Bredenney burger », son incroyable serveur multi-langue parlant un français parfait et sa grande salle avec tables et chaises permettant d’accueillir les joueurs et de découvrir les jeux sorties sur le salon, ainsi que les prototypes des acteurs trainant dans le coin.
Ce soir là, donc, je venais de faire découvrir un de mes prototypes à un groupe de français lorsque quelqu’un bien me voir pour me demander si j’accepterai d’aller rencontrer un jeune auteur présent sur une autre table, venant pour la 1ere fois avec son prototype, et qui n’osait pas venir me le demander lui-même. Difficile de dire non, lorsque c’est demandé gentiment. Et me voilà à discuter pour la toute première fois avec Matthieu.
D’emblée, il est évident que le garçon est sympathique. Très. Il est enjoué et pratique avec aisance le genre de jeux de mots stupides que j’affectionne. Un plus indéniable, non ? Le prototype présenté ce soir là est sympathique. Bien construit. A mon sens sans le petit plus qui fait qu’il peut retenir l’attention d’un éditeur (mais ce n’est que mon avis), mais en tout cas la démarche est claire, aboutie. Matthieu est un auteur en devenir, c’est sûr ! On poursuit la discussion, de façon ouverte et passionnée. Et le je lui conseille d’une part de poursuivre sa route sur le chemin de la création, mais aussi de se présenter à des concours de créateurs, tel que celui de Boulogne, par exemple. Bien sûr, on échange nos mails pour rester en contact.
Concours de circonstances:
Dans les mois qui suivent, on échange régulièrement, le plus souvent pour des demandes de conseil de sa part. Et puis on commence à travailler ensemble sur un premier petit jeu de cartes. Matthieu est inventif, passionné et bosseur… du coup, ce qui devait arriver arrive. En quelques mois, 3 excellentes nouvelles:
– il gagne le concours de Boulogne avec un jeu nommé Tetopia. Et dans la foulée il le signe avec un éditeur X
– on termine notre petit jeu de cartes, on le présente à Essen, et on le signe avec un éditeur Y
– il fait un autre jeu très sympathique avec des moutons de l’espace. J’adore le jeu, et le pousse auprès d’un éditeur Z qui lui signe aussitôt un contrat.
Et puis dans l’année qui suit, tout bascule… L’éditeur X, après avoir pas mal ballade Matthieu, finit par renoncer au projet et lui rendre ses droits, l’éditeur Y disparait complètement du paysage ludique, et enfin, l’éditeur Z finit lui aussi par jeter l’éponge et rend les droits.
Quand tu as un peu de bouteille, tu sais que ce genre de désagrément peut arriver. Ce n’est pas plaisant, mais ça fait partie du jeu. Mais quand tu es un jeune auteur, et que tu as cru toucher enfin au plaisir de voir ton jeu en boutique, imaginez un peu la frustration…. Bref, une phase pas évidente pour mon comparse.
Nouveau départ:
Du coup, on commence à travailler sur une nouvelle idée de base. Une idée toute simple: et si on jouait avec les cartes que nous donnent les adversaires ??? L’idée est intéressante car, avant même de jouer, il est évident qu’elle est propice à créer le genre de situation idéal pour faire grincer des dents… quand on « possède » quelque chose (cartes, pions, territoires..), on a jamais envie de le donner aux autres. Et là, c’est le coeur du jeu. Il va falloir donner… pour recevoir !
Matthieu vient alors passer un week-end à la maison. Idéal pour bosser ensemble sur ce projet. C’est à ce moment qu’il nous faut trouver l’autre pan du jeu: les cartes, elles vont servir à faire quoi ?
Et bien.. des majorités pardi !!
Très vite, on imagine ce petit sytème rigolo: 5 couleurs de cartes, numérotées de 1 à 9.
A chaque tour, on pioche deux cartes, puis on en donne une au coin de droite et une au voisin de gauche. (Evidemment on en reçoit donc une de droite et une de gauche)
Puis, parmi les cartes possédées en main après cet échange, on va devoir en poser une sur la table. Ce qui fait que, si vous suivez bien, comme on reçoit 2 cartes à chaque tour et qu’on en pose 1 sur la table devant soi, plus la partie avance, plus il nous reste des cartes en main et plus on en a de posées devant soi.
A la fin de la partie, on ne marque que les points des cartes nous restant en main… Mais c’est là que le vice entre en jeu: dans les couleurs pour lesquelles on a posé devant nous la valeur totale la plus élevée, on marque les points de TOUTES les cartes de cette couleur nous restant en main… sinon, si on a pas posé le plus fort total, on ne score finalement que LA PLUS FAIBLE de cette couleur encore en main. C’est moche…
Ajoutons à ça quelques effets rigolos sur les cartes de plus faible valeur (permettant de jouer deux fois au prochain tour, ou une bombinette pour péter les cartes des imprudents, ou encore un espion pour jouer à coup sûr) et très vite on se retrouve avec un petit jeu qui marche bien, avec pas mal de rigolade autour de la table, et un certain goût de reviens-y sitôt que la mécanique de storing final est assimilée (pour les newbies, il faut généralement une première manche pour bien comprendre…).
A la recherche de l’éditeur perdu:
Trouver un éditeur, c’est toujours l’étape la plus compliquée, la plus frustrante, puisque là, d’une certaine façon, ça ne dépend plus uniquement de toi. Il faut convaincre et… attendre.. attendre.. et aussi parfois, attendre.
Pour ce jeu, la première question a été de décider si on présentait le jeu brut, purement abstrait (juste des couleurs et des chiffres, par exemple comme un Non Merci), ou bien si on battait un pseudo thème. On a opté pour le petit thème, juste parce que ça nous amusait et que finalement l’assassin et l’espion, ça racontait un début d’histoire. Et nous avons donc proposé notre jeu sous le nom de code de Kuromaku
Voici par exemple une planche du proto, avec des images piochées à droite à gauche dans le cadre d’un usage privé.
Dans le breton, tout est bon:
Et puis après quelques mois de patience (presque une année), c’est finalement Bombyx qui a décidé de se lancer dans l’aventure.
Un éditeur a souvent besoin de s’approprier le jeu que tu lui proposes. Pour ce jeu là, cette appropriation est passée par un changement de thème. Erwan avait sur son frigo des magnets représentant des pingouins manchots illustrés par Rémy Tornior. Et il avait très envie d’utiliser ce type d’illustrations dans un futur jeu. Du coup, il nous a proposé la thématique suivante:
« Comme chacun sait, les Manchots doivent faire face au réchauffement climatique. La banquise se meurt. Dès lors, ils n’ont plus qu’un objectif dans la vie: DEVENIR LES MAITRES DU MONDE (et des environs) en conquérant tou les environnements possibles (ls restes de la banquise bien sûr, mais aussi la jungle, le désert, la ville et même.. l’espace !! »
Parfois, pour perte franc, je suis assez réticent aux changement de thèmes. Mais là, d’une part l’idée nous a fait beaucoup rire et nous l’avons adoptée avance enthousiasme, et en plus elle se mariait plutôt bien à la fois avec la mécanique du jeu lui-même…
Avant de vous laisser en face à face avec les indispensables vidéos d’explication des règles et de partie filmée sur Tric-Trac, je ne pouvais terminer cet article sans une image du…. Manchot Empereur !!!! (D’ailleurs, lorsque vous aurez le jeu entre les mains, amusez-vous à observer l’arrière plan de chaque univers… il se passe des trucs et des machins.. Digne des BDs du Génie des Alpages.. merci Remy ! )
Voilà.. les Manchots débarquent dans les boutiques. Un petit jeu simple et retors, qui n’a pas d’autre prétention que de permettre de commencer ou terminer dans la joie et la bonne humeur une soirée jeux avec des trucs plus « lourds ». Mais moi je l’aime bien ce petit jeu. Et surtout je suis très content de partager cela avec Matthieu, pour qui c’est finalement le premier jeu publié !Nul doute qu’il va suivre les avis avec… un rien d’impatience et un zeste d’angoisse ! 😉