Five Tribes: Fakirs vs Esclaves

FakirsCover

26 mars 2015

Depuis la sortie de Five Tribes il y a maintenant 6 mois, on peut dire que le jeu n’est pas passé inaperçu:

– Pour de bonnes raisons la plupart du temps (les différent prix glanés en sont un bon exemple, ainsi que son positionnement stabilisé dans le TOP 100 de tous les temps sur BGG, le principal site américain)

– Mais aussi pour des raisons dont on se serait volontiers passé: En effet, le fait d’avoir choisi de mettre des cartes esclaves dans ce jeu, même si cette présence est parfaitement justifiée par le contexte thématique des 1001 nuits, a généré aux USA des polémiques à n’en plus finir. Plus de 300 pages consacrées uniquement à ces esclaves sur les forums de BGG. Et je ne compte pas les mails personnels reçus à ce sujet.

Marchandises

Le jeu connaissant un succès suffisant, à l’occasion d’un retirage, une question se posait: fallait-il maintenir les esclaves (après tout, ils sont présents dans quasi tous les contes des 1001 nuits, contrairement à ce que certains écrivent, on ne les « sacrifie » pas, mais on les utilise pour booster nos actions principales, et enfin le contexte des 1001 nuits est un contexte fictif, littéraire, pas une simulation réaliste), ou bien choisir de les remplacer par autre chose.

La question a longtemps fait débat, et sincèrement, je ne pense pas qu’il y ait une solution plus satisfaisante qu’une autre. Alors nous avons fait un choix (je dis « nous », parce que DOW m’a très largement inclus dans les discussions).

Il n’a bien évidemment jamais été dans nos intentions de promouvoir l’esclavage de quelque façon que ce soit, ni d’être dans la provocation. Et si cela ne fait aucun doute en Europe (A part un mail privé d’une joueuse allemande, je n’ai pas eu de témoignage de personnes choquées sur notre continent – les joueurs font ici très facilement le distinguo entre univers ludique et réalité), il n’en est manifestement pas de même aux USA.

On pourrait discuter longtemps de nos différences culturelles, du politiquement correct, etc.. Mais au delà de tout ça, au delà des polémistes « professionnels » de la toile, j’ai reçu plusieurs témoignages touchants de personnes nord américaines réellement mal à l’aise avec ce sujet, et me l’exprimant directement, de façon simple et non agressive, m’expliquant que leurs grands parents avaient vécus en tant qu’esclaves, au moins une partie de leur vie, et que ça restait une blessure à 3 générations d’écart. Ces témoignages m’ont touché. Et comme je fais des jeux, qui doivent avant tout véhiculer une notion de plaisir, la peine réelle de certains joueurs m’a amené à changer d’avis et à prendre la décision, avec DOW de remplacer les Esclaves par des Fakirs dans les prochains tirages de Five Tribes.

Fakir

Donc: à partir de la prochaine édition (celle qui arrive sous peu en magasin, celle avec les jolis logos TT d’or et As ‘d’Or ;-)), la boite contient directement les Fakirs. (Au passage, hors des polémiques, je trouve ce dessin plus réussi… finalement ça tombe bien).

Et, dans l’extension, certaines tuiles utilisent, lorsque c’est nécessaire, l’iconographie fakir (mais pas de panique, la règle indique bien qu’on peut utiliser fakirs OU esclaves selon la boite de base que l’on possède). Et puis… je vous mets ici les images de deux tuiles.. une avec une symbolique fakir, une autre avec une symbolique esclaves… franchement, à distance, on ne fait pas trop la différence.. la jouabilité reste donc intacte:

lieusacrevillage

Enfin pour terminer, DOW, en partenariat avec BGG, a mis en place une opération permettant aux joueurs qui le souhaiteraient, de remplacer leur set de cartes esclaves initial par un set de fakirs. Tout ça se passera sur le BGG store, et à priori uniquement là, puisque les joueurs à qui les esclaves posaient problème étaient largement confinés au territoire nord-américain. Ce qui n’empêchera pas les quelques joueurs de chez nous à commander leur set là-bas si vraiment ils en ont envie.

Je ne peux maintenant qu’espérer que ce changement sera vécu positivement. Et qu’on ne parle maintenant plus que du jeu.