Solstis

Editeur: Lumberjack
Date de sortie: Avril 2024
Auteurs: Bruno Cathala & Corentin Lebrat
Illustrateur: Gorobei
Nombre de joueurs: 2
Durée: 15 minutes
Age: à partir de 8 ans

SOLSTIS a été présenté sur le festival des jeux 2024, à Cannes, et est sorti en boutiques en avril de la même année. Un tirage de 5000 boites qui s’est évaporé de l’entrepôt du distributeur en moins d’une semaine.

Au jour où j’écris ces quelques lignes (fin juin 2024), le jeu est sur le point de revenir (enfin) sur les étals. Après ce premier succès d’estime, et après aussi 170 000 parties jouées sur Boargame arena , l’heure n’est pas à décrire le jeu. Du coup, je vous propose un article en 3 temps:

1- Pour ceux qui n’ont pas encore croisé le chemin de SOLSTIS, un lien vers la captation video de l’explication des règles et d’une parti live chez un monde de jeu

2- Pour ceux qui ont envie de progresser dans la « maîtrise » du jeu, quelques conseils tactiques

3- Pour ceux qui aiment tout savoir sur le pourquoi du comment, Corentin et moi-même revenons sur l’aventure Solstis en se prêtant à un jeu de questions – réponses



1- LES REGLES ET LA PARTIE LIVE c’est ici

on n’est pas beaux, là ? 😉

2- LES CONSEILS TACTIQUES:
SOLSTIS est un jeu simple, rapide, qui contient une dose de hasard importante et totalement assumée.
Pour autant, résumer SOLSTIS à cette part de hasard c’est passer à côté de l’essentiel, à coté de la substantifique moëlle. En effet, il suffit d’observer ls résultats des joueurs online pour se rendre compte que ce sont quasiment toujours les mêmes qui s’en sortent le mieux. Avant la dose d’aléatoire, il y a les choix des joueurs, qui sont prépondérants pour pour le résulta final. A chacun son style, à chacun ses choix, mais je vais ici vous délivrer quelques unes des réflexions qui sont miennes lorsque je fais mes choix.

Début de partie: le tirage initial « penche-t-il » d’un côté:
En début de partie, je connais 9 tuiles. Les 3 qui sont dans ma main, et les 6 disponibles au centre de la table. J’aime donc analyser, avant de faire mon premier choix, si l’ensemble des valeurs disponibles est homogènement réparti, ou bien si cet ensemble est décentré (par exemple avec bcp de petits chiffres, ou beaucoup de gros chiffres). Si il y a un fort déséquilibre, je vais clairement tenter d’éviter du jouer du côté décentré, dans l’optique de favoriser le regroupement des tuiles que je vais capturer.

Regrouper les tuiles:
Regrouper ses tuiles est toujours un bon calcul:
> d’une part parce que tu marques 1 point par tuile paysage de ton plus grand groupe de tuiles. Et donc avoir le plus grand groupe possible, c’est toujours payant
> d’autre part parce que réussir à constituer des carrés de 4 tuiles permet d’accéder aux esprits, aussi facétieux qu’intéressants au niveau de leurs effets
On a donc quasiment toujours intérêt à jouer groupé.
La question qui se pose parfois, c’est faut-il privilégier de faire un carré, ou bien de créer un groupe plus grand… MA répons Eva ère.. ça dépend du moment. En début de partie, je privilégie un accès rapide aux esprits, pour prendre mon adversaire de vitesse et parce que je vais avoir le temps d’orienter mes choix en fonction de l’esprit choisi, mais en milieu / fin de partie, il y a de fortes chances que la jonction de deux groupes de tuiles soit plus rentable que l »accès à un nouvel esprit (en gros, si rejoindre deux groupes vaut au moins 4 points de victoire, alors, je privilégie ce choix)

Jouer pour soi.. mais aussi contre l’adversaire:
Il ne faut pas oublier que chaque tuile est unique. S’il y a au centre de la table une tuile qui me semble absolument indispensable à mon adversaire (par exemple parce qu’elle permet de faire un carré, donc un esprit, ou parce qu’elle permet de rejoindre deux groupes de paysages, et/ou d’allumer un joli nombre de feux sur les sommets), alors il est sans doute temps de privilégier de lui couper l’herbe sous le pied, et de s’en emparer avant qu’il ne soit trop tard.

Dans le même ordre d’idée, lorsque c’est possible, je privilégie des choix qui ne découvrent aucune nouvelle tuile pour mon adversaire. Je préfère le laisser prendre les tuiles placées sur le dessus lors du set up initial, m’offrant ainsi de nouvelles possibilités souvent bien avantageuses.

Chasser les arc-en-ciel:
Les joueurs novices ont tendance à privilégier de choisir des tuiles de leur main permettant de faire une capture avec les tuiles du centre. C’est souvent un bon choix. Mais parfois, les tuiles ainsi capturées nous intéressent peu. Il est alors plus intéressant de jouer volontairement une tuile ne permettant aucune capture immédiate, en jouant alors sur deux tableaux:
> soit la tuile de la seconde chance permet un capture plus intéressante
> soit la tuile de la seconde chance ne permet aucune capture, et alors on accède à un arc en ciel ouvrant de jolis choix
A nouveau, n’oubliez pas que chaque tuile est unique. CE qui signifie que, plus la partie avance, plus vous pouvez avoir une idée précise des chances que vous avez de retourner telle valeur et/ou couleur lors d’un seconde chance. Y réfléchir optimisera vos chances de réussite pour l’accès aux arc en ciel !


3- L’HISTOIRE DU JEU
Cet échange est issu d’une demande d’interview par Philibert. On y a passé du temps. Mais seuls quelques extraits de nos échanges ont finalement été conservés. Je vous lire donc ici l’entièreté de l’échange, en espérant que ça vous intéresse un peu !

Après Trek 12 et Lumen, pourquoi ce nouveau co-autorat ? 

Bruno: Parce que quand on aime…
Corentin: … on ne compte pas ! 

 Comment vous êtes-vous rencontrés ? (à l’époque)

Corentin: Hmmm.. c’était à L’asmoday en 2011, je crois, et tu avais un proto qui s’appelait Barbak. J’étais un peu impressionné.
Bruno: C’est drôle parce que …. Barbak, c’était une course d’hommes préhistoriques montés sur des Mammouths et… ce proto utilisait déjà le système de dés qui a été la base de TREK 12
Comme quoi c’était notre destin 😉 (au fait… concernant un jeu de course.. faut que je te parle d’un truc)

Comment est née l’idée du jeu ?

Corentin: On est pendant l’été 2022. Je joue à Velonimo avec ma famille et je me dis que c’est un jeu qui génère de chouettes émotions, avec très peu de règles et de matériel. 
En alliant ça avec ma vieille envie de faire un jeu minimaliste à la « Love Letters », je t’envoie un message pour en discuter.
Bruno: forcément, le fait que vous ayez aimé Vélonimo en faille me touche. Et repartir sur un petit jeu simple / malin / taquin me fait aussi envie
Alors je te dis que j’ai peut être un début d’idée mécanique basé sur l’expérience du KOI-KOI (un des jeux qui se pratique avec un deck de hanafuda)
La proximité de nos montagnes aidant, on se retrouve le lendemain et… on démarre l’ascension !

Le thème était-il présent dès le proto ? 

Bruno et Corentin: Oui et non
Corentin: Oui parce que depuis le tout début,  l’idée était de reconstituer un paysage sous forme de chemin initiatique, avec rencontre d’esprits facétieux
Bruno: .. et non parce que, au début, par hommage / analogie à la mécanique de base issue du Hanafuda, on avait choisi une thématique japonisante, avec une montagne de là-bas et des tokays à la place des esprits actuels

Thème ou mécanique, lequel est venu en premier ?

Bruno: C’est la mécanique de capture des tuiles, empruntée à tous les jeux asiatiques de type « KOI KOI » qui a été à la base du projet. Mais l’envie était de faire quelque chose de très différent
Les jeux évoqués plus haut sont tous des jeux de type Rami, Mah jong. Les tuiles capturées servent à faire des collection plus ou moins complexes / poétiques, qui permettent de cumuler des points
Corentin: On a souhaité donner un vrai sens à leur capture, en proposant quelques chose de plus visuel, tout aussi poétique, mais aussi plus simple, pour amener une expérience de jeu forte, différente et spécifique à ce jeu. Reconstituer un paysage s’est assez naturellement imposé comme étant la bonne direction
Bruno: Peut être parce que la réunion a eu lieu au pied de cette montagne ? (Voir photo)

Avez-vous rencontré des difficultés ou des facilités lors du développement du game play ?

Bruno: la principale difficulté a été de régler la « taille » du paysage
C’est à dire trouver le bon ration hauteur / largeur afin que le jeu ne soit ni trop long, ni trop court:
– pour que la conquête des sommets reste possible, mais pas systématique
– pour qu’on puisse regrouper ses blocs de paysage, mais sans que ça ne soit trivial
– pour qu’on puisse faire des choix pour son propre tableau.. mais aussi pour «pourrir » le tableau adverse 
Corentin: et ce qui est dingue, c’est qu’on s’est rendus compte que toute modification, même apparemment mineure, de la forme globale du paysage a un impact majeur sur ces éléments, et donc sur la tension du jeu.
Quand on voir l’engouement qu’il suscite aujourd’hui, tant au niveau des boutiques que du jeu online , on peut penser qu’on ne s’est pas trop plantés sur nos choix

Combien de temps a demandé le développement du jeu ? 

Bruno: On a commencé en fin d’été 2022. On a présenté le proto sous une forme proche de la définitive pendant Essen 2022, c’est à dire octobre. On a signé avec Lumberjack à Cannes 2023
Et comme toujours, ensuite, on a continué à jouer et peaufiner jusqu’au moment où il a fallu appuyer sur print
Corentin: Bref, c’est un projet qui est allé assez vite. Certainement aussi du fait que le trio Bruno-Corentin-Antoien Roffé n’en était pas à son coup d’essai

Avez-vous eu du mal à trouver un éditeur ? Pourquoi Lumberjacks ?

Corentin: A essen 2022, tous les éditeurs à qui on l’a montré se sont dits potentiellement,t intéressés de garder un prototype pour poursuivre la réflexion. Certains ont ensuite décliné, d’autres ont continué leur réflexion. Lumberjack a dégainé en premier, et ça nous a bien fait plaisir
Bruno: il faut dire que c’est aussi un choix du coeur, dans la mesure ou on sait qu’on va avoir une relation auteur – éditeur à la fois paisible, constructive et enrichissante, avec quelqu’un qui, d’une part possède un véritable savoir faire en terme de direction artistique, et d’autre part nous laisse une vraie place dans le partage de tous les choix éditoriaux.

Qui a trouvé le nom du jeu ? Et pourquoi cette orthographe ?

Bruno: je plaide coupable !
Nous avons tous deux des attaches en haute Savoie 
Ici, lors des solstices d’été, il y a encore cette tradition qui date des temps les plus reculés et qui consiste, le soir du 21 juin (ou plutôt le samedi soir le plus proche du 21), d’aller allumer des feux sur les sommets accessibles. Du coup il était assez logique de s’appuyer sur le mot SOLSTICE.
Sauf que si c’est compréhensible en français et anglais, ça ne marche pas dans autres langues.
Alors, dans une optique internationale, autant créer de toutes pièces un mot, unique, avec la même consonance, qu’on pourrait conserver en l’état sans avoir à le traduire
C’était le meilleur choix
Et quand, en faisant des recherches en langues primaires, tu retrouve le mot SÖLSTIS dans plusieurs d’entre elles, tu te dis que la boucle est bouclée !

Une anecdote particulière sur le jeu ?

Bruno: pas de mon côté et toi .
Corentin: A l’annonce de Gorobei comme illustrateur, je n’avais pas tout à fait convaincu. Non pas parce que je n’aime pas le style, mais parce que je n’imaginait pas du tout ce traitement sur notre prototype
Mais dès les premières illustrations et surtout sur le panorama, j’ai été conquis.
Aujourd’hui, je suis persuadé que ce choix de direction artistique contribue clairement à l’attraction que génère ce jeu sur les joueurs.