2 mars 2015
Un salon qui se termine, c’est toujours le moment de faire le point. De passer en revue les rencontres, les discussions, les projets, les impressions.
Alors… reprenons dans l’ordre…
Le palmares:
Je ne reviens pas sur Five Tribes, j’ai déjà fait un article spécifique pour ça. Je ne parlerai pas non plus de l’As d’or enfant, car les jeux enfants, ben… je ne les connais pas, je n’y joue pas.
Par contre j’ai envie de dire un mot sur l’As d’or: cette année plus que jamais, je n’aurai pas aimé faire partie du jury. Pour moi, il y avait 3 jeux prétendants légitimes à cette distinction: Colt Express (qui l’a finalement emporté), Minivilles, et Splendor. Chacun de ces jeux possède sa propre identité, avec ses avantages et ses inconvénients. Mais je les vois réellement à égalité. Selon les joueurs qui seront à la table, je choisirai simplement l’un ou l’autre.
Colt Express est un superbe as d’or, sans conteste, mérité. Mais en même temps que je suis très heureux pour les Ludonautes et Christophe Raimbault, je suis un peu triste pour Manu, pour Marc André et les Space cowboys, qui auraient mérité tout autant.
Et puis quelques mots encore sur la surprise du chef: l’As d’or du Jury. L’avantage de cette catégorie, c’est que le jury est libre de faire ce qu’il veut. Et il le fait bien, en choisissant cette année un jeu.. qui n’était pas dans la liste: LOONY QUEST, de Laurent Escoffier et David Franck. Cette surprise m’a fit doublement plaisir:
– Pour Laurent et Franck, tout d’abord. Parce que ce duo d’auteur trace un sillon particulier et unique dans le monde du jeu de société, en se foutant pas mal des tendances, avec une inventivité qui n’appartient qu’à eux. Chapeau les gars. J’aime ce que vous faites et ça me fascine d’autant plus que j’en suis incapable !
– Et aussi parce que ça indique qu’un jeu qui sort pour le festival peut gagner l’année même où il sort, plutôt que d’être déjà trop vieux l’année suivante. Et ça aussi c’est cool.
Le salon le jour:
Force est de constater que ce salon a encore pris un cran dans son ampleur:
– Je n’ai pas les chiffres de la fréquentation, mais je les imagine supérieurs encore aux années précédentes, tant les allées étaient blindées de monde.
– La surface utile était plus grande, avec un espace enfants qui a fait le bonheur des familles
– Les bureaux et l’espace pro permettaient de pouvoir travailler dans la sérénité.
– un magasine distribué gratuitement mettant bien en valeur la diversité ludique (bon, je ne reviendrais pas sur la couverture..
En ce qui me concerne, le salon m’aura permis:
– De découvrir l’Artbook d’Abyss
Un bouquin luxueux, super bien réalisé, avec du papier et une couverture cartonnée de qualité. Jamais un éditeur n’aura tant mis en avant le travail d’un illustrateur. Et si le talent de cet illustrateur est incontestable, il n’en est que plus dommage qu’il n’ait pas été là pour pouvoir rendre la pareille à son éditeur. Du coup, ça m’a fait un peu bizarre de dédicacer un livre qui, finalement, n’a que peu à voir avec mon travail.
– De faire jouer l’extension d’Abyss
C’était un vrai plaisir de faire découvrir les nouveautés de cette extension: Les alliés multicolores, les perles noires qui donnent des malus en fin de partie, les contrebandiers, les sentinelles, les carcasses (nouveaux lieux aussi dangereux que potentiellement rentables).
Certes, on a joué sur un proto fait à la main sans aucune des illustrations finales, mais l’accueil a été très bon. Et je garderai longtemps le souvenir de cette super partie endiablée et joyeuse du dimanche matin (en plus j’ai gagné). Les adversaires ne m’en ont pas trop voulu et ont souhaité une photo…
– De faire jouer l’extension de Five Tribes
Là aussi, grand plaisir à partager les nouveautés de cette extension: Une 6ème tribu, les artisans, qui fabriquent des objets précieux (et donc donnent des PV appréciables) ou magiques (tapis volant, cimeterre ardent, etc etc), des nouveaux lieux (on joue sur une grille de 6*6 cases), avec des cases bordées de montagnes infranchissables. ET oui, certains mouvements deviennent impossibles, et d’une partie à l’autre, la configuration du terrain amènera encore plus de rejouablilité.
Là, les illustrations étant quasi terminées, on avait un proto beaucoup plus proche de la version finale. Très bon accueil encore une fois. Et je ne peux que m’en réjouir.
– De voir Raptor faire ses premiers pas
Raptor, c’est un jeu à deux joueurs asymétrique, Raptors contre scientifiques, réalisé à quatre mains avec Bruno Faidutti (et oui, 2015 sera le retour des deux bruno), et qui sortira chez Matagot un jour de bientôt genre cet été.
Matagot ayant déjà beaucoup de nouveautés à présenter sur le salon, le jeu n’était pas accessible aux visiteurs. Pour autant, il a été présenté à pas mal de journalistes, dans les bureaux de Matagot.
Et pas mal sont venus ensuite me dire à quel point ils avaient aimé leur première partie.
Je sautille comme une puce en attendant la sortie et la confrontation avec le public.
– De faire un galop d’essai pour les Picto Patato
Ceux qui me suivent sur Facebook savent que, de temps à autres, je publie un « approximo », c’est à dire un image qui évoque quelque chose (titre de film, de livre, comédien, proverbe…) par consonance approximative.
Il se trouve que Martin Lidberg avait dans ses cartons depuis plusieurs années un projet de jeu avec un concept très proche. La différence essentielle étant que les siens n’étaient pas approximatifs.
A l’occasion de ce festival, il m’a invité à partager l’expérience avec lui, et nous avons conçu un pochette d’énigmes visuelle basées sur ces concepts. Matin les a réalisées à la main, et c’est ainsi que nous en avons distribué 70 sur le salon, à ceux qui nous les demandaient gentiment. Les filles ayant, comme il se doit, une chance plu élevée de réponse favorable.
Là aussi, ça a été un vrai plaisir de voir des groupes chercher à résoudre ces énigmes. Là, elles étaient pour la plupart vraiment difficiles. Et on réfléchit à la meilleure suite à donner à ce galop d’essai…. sachant qu’un éditeur est intéressé par l’aventure.
Aventure à suivre (au passage… l’image ci-dessus.. il faut trouver… le Pic du midi !!)
– De présenter officiellement 7 Wonders Duel
Repos Prod avait mis les grands moyens, puisque plusieurs maquettes ont permis de présenter le jeu à pas mal de joueurs.
Il ne s’agit absolument pas d’une extension, mais d’un nouveau jeu, à part entière, conçu spécifiquement pour deux joueurs, et sur lequel Antoine m’a demandé de travailler avec lui. ça s’appelle un cadeau… un énorme cadeau même.
Les retours des joueurs sont très bons, toute l’équipe de Repos prod est très motivée.
Sans aucun doute un projet phare pour moi sur cette année.
Bref, que du bon, ce salon…
Le salon la nuit:
Enfin, presque que du bon..
Le bémol se situe au niveau du off. Le ratio surface disponible nombre de participants est devenu ingérable. Lorsque tu as taffé toute la journée à expliquer les jeux sur les stands, à faire des réunions de ci de là, tu n’as pas trop envie d’être obligé de sauter le repas du soir pour faire la queue et te battre pour une chaise et des tables.
Et ce qui était un des moments de convivialité que je préférais a donc, cette année, laissé la place à beaucoup de frustration, en ne pouvant pour ainsi dire pas ou peu partager mes prototypes.
Le salon est clairement victime de son succès, et je fais confiance à l’organisation pour tenter de trouver, pour l’an prochain, une solution permettant de retrouver ce partage unique entre joueurs, auteurs et éditeurs, et qui fait la spécificité de Cannes.
J’aurai néanmoins réussi à faire tourner trois de mes prototypes, dans de mauvaises conditions (souvent en jouant debout):
7Wduel (mais on en a parlé plus haut)
Steam Dreams (avec Florian Sirieix)
Là on est dans…. du vrai kubenbois.. dans une ambiance steampunk.
Un jeu de gestion avec pas mal d’originalité dedans et une thématique prégnante.
Bons retours, et une édition très probablement en 2016.
Visuellement, ça devrait déchirer sa race.
Ukiyoe (avec Charles Chevallier)
Oui, encore un jeu dans le japon…
Mais avec une approche différente.
Les joueurs sont des peintres japonais et doivent peindre peu à peu un paysage horizontal. C’est très poétique, zen, et surtout ç peut être très beau.
Un grand merci à zeblate pour les petits pinceaux imprimés en 3D permettant de remplacer avantageusement de simples meeples…
Tous ces protos ont reçus un bon accueil. Mais sincèrement, je retiens surtout la frustration de ne pas avoir pu jouer et faire jouer avec tout un tas d’amis et joueurs que je ne connais pas, mais qui sont repartis tristes de ne pouvoir partager une partie.
Mes découvertes
Alors avec un tel programme « in » et « off », ben je n’ai pas vraiment beaucoup de temps pour découvrir les sorties du salon. Et je le déplore. Il n’empêche que j’ai quand même eu de vrais coups de coeur.
Tout d’abord Wall X, un jeu de Charles Chevallier et Thierry Dénoual, à paraître chez Blue Orange.
Il s’agit d’un jeu abstrait pour deux joueurs, aux règles simplifiées, mais avec plusieurs niveaux de difficulté, un matériel très attractif et original (des « doubles cubes » possédant chacun la couleur des deux joueurs).
Un jeu d’alignement simple et malin, et aussi retors, dans la mesure où chaque fois que tu poses un pion, tu poses ta couleur ET celle de l’adversaire.
Du tout bon, de même niveau qu’un quarto ou un gobblet.
Ensuite, et ça ne se refuse pas, Un doigt dans la chatte.
Un prototype de Martin Vidberg et Jub.
Un party game pur, déclenchant de vrais fou-rires.
Ce qui est fort, c’est que malgré un titre des plus provocateurs, les auteurs ont su éviter tous les pièges de la vulgarité.
C’est difficilement racontable, il faut vivre cette expérience. Mais ce qui est sûr, c’est que si j’étais éditeur, j’aurai tenté de signer le jeu direct.
Enfin, Ornithorynque, encore un prototype de Martin Vidberg et Jub.
Un jeu de gestion à la thématique originale. L’explication des règles est un régal.
Il y a encore du travail, mais c’est très prometteur. Avec de vraies bonnes idées.
Je me réjouis de pouvoir le rejouer sans doute aux rencontres ludopathiques, dans un état de fatigue moins avancé …
Voilà.. j’ai fait le tour… j’ai raté 20 000 trucs.
Et surtout pas eu le temps dont j’aurai aimé disposer pour les gens que j’aime et à qui j’ai à peine fait coucou au détour d’un couloir.
Je suis.. épuisé.
Mais I’ll be back !
